Ainsi donc, l’annonce de la possible délocalisation à l’étranger de la production de la future Clio IV est devenue un sujet politique, prétexte à des envolées outrées. Pourtant, celles-ci ne sont pas dénuées d’arrières pensées.
Examinons les faits. La production de Renault à l’étranger ne date pas d’hier. L’usine espagnole de Valladolid, par exemple, date de … 1951. Sur une production mondiale de 2,5 millions de véhicules Renault, la France en produit plus de 500 000 sur son sol. Dont 130 000 Clio III, à Flins.
En Turquie, l’usine de Bursa (Renault Oyak) produit environ 260 000 véhicules, ce qui correspond grosso modo à ce qui est vendu dans la région. Sur cette quantité, il y a environ 170 000 Clio de produites, qui alimentent le marché des pays environnants.
Cela illustre que les implantations industrielles de production sont créées dans le but de répondre à une demande locale. Ainsi de Toyota qui a créé une usine en France pour produire la Yaris et la vendre en Europe. Le thème populiste des délocalisations destinées à inonder les pays développés de voitures importées en privant ces pays développés des emplois correspondant est un mythe.
Dans ce contexte, l’annonce de la possible délocalisation de la production de la Clio semble donc relever d’une stratégie industrielle pragmatique, partagée par la plupart des grands constructeurs. On peut même se demander si Renault existerait encore s’il n’avait pas fait ce choix.
De plus, il ne s’agit pas d’une fermeture d’usine, comme à Vilvoorde, mais du transfert d’une partie de la production pour réorienter celle de Flins vers d’autres véhicules.
Pourtant, une conjonction de facteurs fait de cette annonce un sujet politique.
D’abord, Renault garde, même si c’est faux, des séquelles du constructeur nationalisé à 100% qu’il fut, ne serait-ce que par la participation dont dispose encore l’Etat (environ 15%). Renault reste une histoire nationale.
Ensuite, dans un contexte économique difficile, marqué par une augmentation du chômage, l’annonce a de douloureuses résonnances.
Troisième point, l’approche des élections régionales rend le personnel politique fébrile. En conséquence du point précédent, s’afficher en héraut de la défense de l’emploi est un impératif.
Dernier point, enfin, une fois cette posture établie : La délocalisation ne doit pas se faire dans n’importe quel pays, mais en … Turquie. Et revoilà l’épouvantail ottoman qui s’invite dans le petit monde politique français, toujours pratique et de bon goût pour frapper l’imaginaire collectif et flatter l’instinct national.
En épilogue, qu’apprend-on aujourd’hui de la bouche de Monsieur Estrosi, suite aux pressions exercées sur Renault et qui ont fini par alerter la Commission Européenne ?
Que les « demandes [de l’Etat français] en matière de localisation s’inscrivaient toujours au sein de l’Union européenne, puisque le débat portait sur la Turquie » !
Si pratique Turquie, jamais dans l’Europe quand elle voudrait y entrer, mais déjà membre quand ça arrange nos politiques…