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L’UE et Chypre : des propositions réalistes ?

vendredi 4 janvier 2008, par Fatma Yilmaz

La vieille question chypriote a été à l’ordre du jour pendant l’année 2007, ce qui s’explique aussi bien par des raisons de politique interne que par les relations entre l’Union européenne (UE) et la Turquie.

Cependant, il semble que cette affaire dans l’impasse trouve l’occasion d’être, encore une fois examinée, en 2008. En effet, l’UE comme la Turquie sont en train de terminer une période relativement difficile, due à des difficultés intérieures, cependant qu’Ankara exprime sa détermination à reprendre les questions de politique étrangère. Le résultat de cette décision est actuellement sur les rails. Tout d’abord, lors d’une réunion avec les responsables du ministère des affaires étrangères en octobre, j’ai été informée que le ministère a travaillé sur une nouvelle approche de la question de la propriété à Chypre. En conséquence, le ministère a procédé à la coordination de l’approche prévue. En outre, des rumeurs ont récemment circulé, selon lesquelles Ankara préparerait une nouvelle feuille de route détaillée sur la question de Chypre.

Le chroniqueur turc Erdal Safak, dans un article du 28 novembre dernier, a mentionné cette possible feuille de route du ministère des affaires étrangères, et a souhaité qu’y figure une « solution à deux États ». Il est prévu que ce nouveau projet soit élaboré en fonction du statut final du Kosovo et des résultats de la prochaine élection présidentielle en République chypriote grecque. En ce sens, le Ministère pourrait peut-être proposer un modèle d’unification sous l’égide de l’UE, dans le cas où il n’y aurait pas eu d’unification sous celle de l’ONU, ce qui signifie, au préalable, une île divisée en deux États indépendants, puis l’adhésion à l’UE de Chypre-Nord.

En fait, il semble peu probable que les efforts de la Turquie soient couronnées de succès sans une volonté politique tangible de l’UE, et tant que certaines mesures ne seront pas prises, d’autant que la question s’est « européanisée », avec l’entrée des Chypriotes grecs dans l’Union.

En effet, les Chypriotes grecs ont obtenu [en 2004] ce qu’ils souhaitaient de l’UE, c’est-à-dire l’adhésion, et n’ont donc plus de raison d’agir. Par conséquence, l’UE doit manier la carotte et le bâton. L’UE devrait certainement favoriser, par sa bonne volonté et son insistance, une solution sous l’égide de l’ONU, selon ses engagements.

Les engagements de l’UE vis-à-vis de Chypre nord, pris avant le référendum sur le plan Annan, sont-ils sincères ? Rappelons que l’UE a mené des campagnes en faveur du plan Annan, de peur que le résultat du référendum ne soit « non ». Or, ce qui est arrivé, c’est que la partie grecque a voté non à une large majorité, entraînant ainsi l’échec du projet.

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Regrets européens

Ensuite, les autorités de l’UE ont commencé à exprimer leurs regrets au sujet des résultats, à afficher leur déception vis-à-vis du refus grec ; ils sont trahis par les Chypriotes grecs. Tout d’abord, Günter Verheugen, alors commissaire européen chargé de l’élargissement, a vivement critiqué les dirigeants des Chypriotes grecs, déclarant que l’UE avait été dupée. De même, en avril 2005, Joost Lagendijk, coprésident de la commission parlementaire mixte euro-turque, a affirmé que l’entrée des Chypriotes grecs dans l’UE était une erreur. Tout en affirmant que la Turquie devrait reconnaître la République grecque de Chypre, le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, futur Premier ministre, a également affirmé que garantir l’adhésion de la Chypre grecque quels que soient les résultats du référendum sur le plan de paix de l’ONU, constituerait une grave erreur. En 2007, la chancelière allemande, Angela Merkel, a elle aussi exprimé la gêne que lui cause l’appartenance la partie grecque de Chypre à l’UE, parlant à ce sujet d’un « pays problématique », qui n’aurait pas dû adhérer. Le codirecteur de la Banque européenne d’investissements et eurodéputé (libéral) Andrew Duff figure parmi les représentants de l’Union européenne mettant en garde contre l’adhésion de Chypre, n’y voyant qu’une erreur, qui ne pourrait que compliquer la recherche d’une solution.

Au vu de ces regrets, se pose la question de savoir si l’Union européenne a changé de politique ou de l’attitude envers la partie nord de l’île. Y a-t-il eu, oui ou non, un changement en faveur du côté turc, qui a voté massivement oui au plan Annan ?

Après le référendum, la Commission européenne a annoncé son paquet de propositions, conformément à ses engagements vis-à-vis de la partie turque, visant à supprimer l’embargo économique sur le nord de Chypre. En ce sens, l’Union européenne s’est engagée à donner 259 millions d’euros à la partie nord de Chypre, en trois ans. La proposition comprend aussi des dispositions pour ouvrir une voie du commerce directe avec Chypre-Nord. C’est-à-dire que les marchandises produites entièrement dans le nord de Chypre peuvent être exportés vers l’UE, sans prélèvement d’un impôt indirect sur ces biens. Cependant, cette voie commerciale n’a pas été ouverte, et l’aide financière au nord de Chypre n’a pas été versée dans sa totalité. À la fin de 2005, le Conseil européen n’a pas approuvé l’aide financière, et le Nord a eu seulement 135 millions d’euros en tout.

En septembre 2006, la Commission européenne a ouvert un bureau dans le nord de Chypre, qui est responsable de la distribution de l’aide financière. Toutefois, afin de ne pas signifier que cette présence équivaut à la reconnaissance de la République turque de Chypre nord par l’UE, le bâtiment est loué par l’intermédiaire d’une société privée allemande. Il y a eu plusieurs propositions formulées par le groupe de contact avec les Chypriotes turcs, formé par le Parlement européen.

Par exemple, en février 2007, le groupe de contact a invité l’Union européenne à adopter le turc comme langue officielle et à accorder le statut d’observateur aux membres du parlement de Chypre nord, à exclure le terme « occupation » et à autoriser l’accès aux programmes Socrates et Erasmus pour les étudiants du nord de Chypre. De deux choses l’une, soit l’UE a pris ces appels au sérieux, soit elle n’a pas pu trouver l’occasion d’examiner ces propositions, en raison de l’adhésion des Chypriotes grecs.

De même, l’Allemagne, quand elle assurait la présidence tournante de l’UE, a présenté un projet à la réglementation du commerce direct avec la partie nord de Chypre au groupe spécial chargé de cette question. Mais, il n’a pas pu être examiné lui non plus, en raison de l’appartenance de la partie méridionale de l’île à l’Union. La présidence portugaise (1er juillet-31 décembre 2007) a également exprimé sa volonté de continuer à rechercher une solution sur le commerce direct. Toutefois, aucune solution n’a pu être trouvée.

Par conséquent, il est évident que, même si l’Union européenne est en demande d’une solution sous l’égide de l’ONU, elle doit afficher une volonté politique aux côtés de ses bonnes intentions. Sans la volonté politique de l’UE, il semble difficile, voire impossible, pour la Turquie de résoudre la question par ses propres moyens. Une initiative unilatérale n’est pas suffisante pour un conflit qui dure depuis longtemps. Dans cette perspective, l’Union européenne, déclarant être dupés par les Chypriotes grecs, devrait s’efforcer de prendre des mesures plutôt que de se cacher derrière le droit de veto grec. Sinon, cela signifierait qu’elle s’illusionne et berce la Turquie d’illusions.

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Sources

Source : « The Journal of Turkish Weekly », 6 décembre 2007.

http://www.turkishweekly.net/commen...

Traduction pour TE : MG.

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