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Autour de la Turquie : coulisses diplomatiques

lundi 3 mars 2008, par Murat Yetkin, Sebahat Erol

On dirait qu’il se produit des événements susceptibles de perturber l’équilibre international, mais nous n’arrivons pas à les distinguer…

Si nous énumérons dans un certain ordre les événements vécus ces dernières semaines sur la scène internationale, il est impossible de ne pas penser qu’on nous mijote des choses secrètes dans les cuisines de la politique et de la diplomatie. Commençons notre énumération :

- Le Premier ministre Tayyip Erdogan n’a pas participé au Forum économique mondial de Davos, probablement parce qu’il n’a pas apprécié la réaction de la TÜSIAD et des médias de centre au sujet du voile, et que le niveau des participants à ce forum ne lui convenait pas. Pourtant, son conseiller aux affaires importantes Cüneyd Zapsu s’y trouvait et il est revenu à Istanbul avec l’ancien chancelier allemand Gerhard Schroeder, qui y participait également, et qui a pu ainsi s’entretenir avec Erdogan.

- Après cette entrevue, Zapsu, toujours accompagné de Schroeder, s’est rendu dans la République turque de Chypre Nord, visite qui a déclenché les protestations des Chypriotes grecs, mécontents de voir faiblir, en ces temps d’élections, l’isolement qui pèse sur les Turcs.

- Mais Schroeder, après son mandat de chancelier, était entré dans le conseil d’administration du géant russe de gaz naturel Gazprom. Donc, cette visite n’avait-elle pas par hasard un autre but ? Par exemple, n’avait-elle pas un lien avec le second gazoduc en Mer Noire envisagé par la Russie ? Ou bien Gazprom ne serait-il pas intéressé par l’acquisition de Samsun-Ceyhan, qui le ferait entrer dans l’exploitation pétrolière, ou d’Ankara Gaz dont la privatisation est prévue ?

- Puis il est devenu clair que Schroeder était beaucoup plus préoccupé par une autre affaire et lors de sa visite, le groupe allemand RWE est devenu le sixième partenaire du projet de gazoduc Nabucco (en éliminant l’entreprise française Gaz de France). Ainsi, un important pas a été fait aussi pour un gazoduc Nord vers l’Europe après le gazoduc Sud qui a commencé à fonctionner avec la Grèce.

- Pendant que se déroulaient ces événements, le général Ergin Saygun, second de l’état-major de l’armée, s’est rendu aux Etats-Unis. C’était une visite ordinaire dans le cadre des réunions sur la Défense avec ses homologues américains, mais les thèmes abordés étaient extraordinaires. Avant que Saygun ne se mette en route, sans qu’une réunion du Comité d’exécution de l’Industrie de la Défense n’ait été jugée utile, les signatures du Premier ministre Erdogan, du Général Yasar Büyükanit, chef d’état-major de l’Armée, du Ministre de la Défense Vecdi Gönül et du sous-secrétaire d’Etat à l’Industrie de la Défense Murad Bayar ont été recueillies directement pour décider de l’achat de systèmes électroniques de guerre américains pour les 30 F-16 commandés aux USA, systèmes électroniques qui seront donc sans programmation turque et qui par conséquent ne détecteront pas les avions grecs comme des avions ennemis. Cette décision prise après la visite à Ankara du Premier ministre grec Kostas Karamanlis 49 ans après la dernière visite d’un Premier ministre grec a été perçue comme un signe de réchauffement des relations entre les deux pays envoyé aux Etats-Unis et à l’UE.

- Avant de se rendre aux Etats-Unis, Saygun s’était rendu en Irak pour la première fois depuis la chute de Saddam Hussein pour une premier contact avec de hauts responsables. Aux Etats-Unis aussi, il a de nouveau abordé la question du PKK. Après cette entrevue, le trafic s’est accéléré et a pris de l’importance. Le numéro 2 américain de l’état-major de l’armée le général James Cartwright, que Saygun avait vu tout récemment à Washington, est arrivé à Ankara. Au même moment se trouvait également à Ankara Frank Urbancic, représentant des Affaires étrangères américaines chargé de l’étude des activités du PKK en Europe (en particulier des aspects financiers et de propagande) ; ce dernier a parlé de réunir les juges et procureurs turcs et européens. Et hier, c’est le Ministre américain de la Justice Michael Mukasey qui est arrivé à Ankara.

- Pendant que ces événements se passaient en Turquie, la Russie montrait sa désapprobation face au soutien apporté au Kosovo par les Etats-Unis et l’Union Européenne dans son souhait d’indépendance. Le président russe Vladimir Putin faisait une déclaration qui revenait à dire : si vous voulez reconnaître le Kosovo, pourquoi ne reconnaissez-vous pas la République turque de Chypre ? La Russie montrait ainsi qu’elle ne s’intéresserait plus désormais uniquement au pétrole ou au gaz mais qu’il fallait de plus en plus compter avec elle sur tous les sujets concernant cette région.

- Pour compléter le tableau, il faut aussi évoquer la venue à Ankara de Jozias van Aartsen, représentant de l’UE chargé du projet Nabucco. Si on prête attention à ce qui se trame en coulisses, le but serait de permettre à Gaz de France de devenir le septième partenaire du projet. Et l’impression se précise quant à la plausibilité d’une telle annonce une fois que la France aura baissé le ton sur son projet d’Union méditerranéenne et déclaré que celle-ci ne constituera jamais une alternative à l’UE pour la Turquie.

Des choses se mijotent dans les cuisines de la politique. Pour le comprendre, il faut faire attention aux points suivants : à un pas concret vers une solution concernant le PKK ; à des accords nouveaux entre la Turquie et l’Irak principalement sur le gaz ; après les élections présidentielles en République grecque de Chypre, au commencement ou non, avec l’appui de la Russie, d’un nouveau plan des Nations Unies concernant l’île ; au spectacle de la lutte pour l’indépendance du Kosovo ; à l’évolution du projet Nabucco et à l’appel d’offre fait par la Turquie pour la construction d’une centrale d’énergie nucléaire. Si on oublie un peu les querelles sur le voile pour jeter un coup d’œil sur ce tableau, on voit qu’il y a beaucoup d’événements importants à suivre.

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Sources

Source : Radikal, le 16.02.2008

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