Lepetitjournal.com d’Istanbul : Comment s’est déroulée l’audience ? Comment avez-vous défendu Sevil Sevimli ?
Sami Kahraman : Comme cela avait déjà été le cas lors d’interrogatoires précédents, le tribunal a essayé de transformer des actions parfaitement légales en faits illégaux. On lui a demandé si elle avait essayé de mobiliser des gens pour manifester lors du 1er mai, si elle y était allée, si elle avait assisté au concert de Grup Yorum (engagé à gauche, ndlr), si elle avait placardé des affiches du concert, pourquoi elle lisait telle ou telle revue – revues par ailleurs en vente libre – et cætera. Nous avons à nouveau essayé d’expliquer que rien de tout cela n’était illégal, que cette fille avait été élevée et éduquée en France, qu’ils ne pouvaient pas lui parler de livres ou de revues “interdits”, lui faire accepter cette idée. A l’évidence, nous n’avons pas été convaincants. Nous avions demandé la levée de l’interdiction de quitter la Turquie car Sevil veut continuer ses études en France et rentrer auprès de sa famille. Cela a été refusé. Sevil est prise en otage en Turquie. La seule chose qui change, c’est que Sevil n’est plus astreinte à un contrôle judiciaire à Eskişehir et qu’elle peut désormais se rendre partout en Turquie.
Vous lui avez parlé après l’audience. Comment est-elle ?
Elle est déçue, évidemment. Elle n’a pas le moral. Elle essaye de comprendre ce qui lui arrive. Sa maman, surtout, est très triste. Après l’audience, je les ai ramenées à Eskişehir et cette dernière a pleuré pendant tout le trajet.
Vous étiez plutôt optimiste avant l’ouverture du procès. Est-ce toujours le cas ?
Je suis juriste depuis 40 ans et je ne pensais pas avoir affaire à un procès si absurde. J’espérais un acquittement dès la première audience. Mais il apparaît que ce procès va durer. J’ai perdu mon optimisme. Tout peut arriver.