Turquie : Des plans « tout frais » pour « gentrifier » le quartier historique des roms d’Istanbul.

Le Conseil de la Municipalité de Fatih a approuvé un nouveau projet préliminaire pour « transformer » le quartier historique Rrom de Sulukule à Istanbul malgré un jugement des tribunaux rendu il y a deux mois et demi pour annuler le plan précédent ,

Menace de gentrification de Sulukule le quartier historique des roms d’Istanbul.

Photos : Bianet

L’architecte Aslı Kıyak et l’avocate Hilal Küey ont déclarés que le nouveau projet préliminaire ne présentait aucune amélioration par rapport au plan précédent. Gülay Yedekçi, membre du parti d’opposition CHP (Parti Républicain du Peuple) au Conseil de la Municipalité de Fatih a aussi ajouté qu’ils n’avaient même pas eu la possibilité de voir les plans.

La Municipalité de Fatih a porté leur affaire devant le Conseil d’État après qu’une cour ait statué il y a deux mois et demi pour annuler le précédent projet sur les bases qu’il ne présentait aucun d’intérêt public.

Le Maire de Fatih, Mustafa Demir, a ensuite répondu qu’il était certain que le Conseil d’État accepterait d’annuler cette décision et que ce verdict servirait aussi comme jurisprudence pour assurer l’implémentation de la nouvelle loi sur les catastrophes. Les travaux de construction à Sulukule ont en même temps été poursuivis, tandis qu’une loterie était par ailleurs organisée pour désigner les nouveaux occupants du quartier.

La Municipalité de Fatih a ensuite préparé un autre projet préliminaire alors que le procès était en cours, et le Conseil Municipal a dans la foulée approuvé le nouveau plan par 24 votes pour et 10 votes contre. Le plan est maintenant en attente d’approbation par la Municipalité Métropolitaine d’Istanbul.

Le Conseil Municipal a déclaré que le projet de « transformation urbaine » était sur le point d’être parachevé et que le nouveau plan, approuvé lors du Second Conseil de Conservation, était conforme sous tous les aspects.

La député Yedekçi : « Nous n’avons pas pu voir le projet ».

La députée CHP Gülay Yedekçi qui est aussi membre du conseil municipal ,a déclaré qu’il n’avait pas été possible pour les élus de voir ni l’ancien projet, ni le nouveau :

« En tant que membres du CHP, nous avons présenté une motion à la municipalité, qui est pour nous le seul moyen de nous opposer. Ensuite nous avons demandé comment ils avaient pu rectifier un projet qui a été annulé parce que contraire à l’intérêt public en si peu de temps. Nous n’avons reçu aucune réponse, et la décision passée au conseil sans que nous puissions prendre connaissance des modifications apportés par le nouveau projet ».

L’avocat Küey : « ils essaient de contourner la loi ».

L’avocat Küey a déclaré que l’approbation d’un nouveau projet alors qu’un procès était toujours en cours était une violation de la loi.

« Ils essaient de passer outre la décision de la justice d’annuler le premier projet, par l’introduction d’un nouveau projet . Bien que nous n’ayons pu voir le projet préliminaire, ils semblent préparer plus ou moins le même plan et vouloir le présenter comme un nouveau projet, pour autant que nous puissions comprendre la décision du conseil. En résumé, ils contournent la loi » a-t-elle déclaré.

M^me Küey a ensuite mise en avant une décision prise auparavant par le Ministre de la Culture et du Tourisme : « Si une décision du Conseil de Conservation est en instance d’être rendue par la cour, alors un second verdict ne peut pas être donné sur les mêmes demandes avant que la justice n’ait pu délivrer le premier ».

L’architecte Kıyak : « Ils ont revu le plan plus de 22 fois ».

L’architecte Kıyak a aussi déclaré qu’il était impossible pour la municipalité d’avoir pris en compte tous les changements nécessaires du plan afin de se plier avec la décision de la cour en un mois et demi :

« Durant les 4 longues années de procès, ils ont repris le projet plus de 22 fois en changeant à chaque fois la place d’une simple pièce de bois. Les experts ont ensuite déclaré pour chaque chef d’accusation qu’aucun changement n’avait été réalisé. La même chose se passe ici... ils ont dépassé la limite d’élévation qui était donnée par les murs historiques et construit des immeubles de 3 étages, ils ont ainsi détruit le caractère des rues. Rectifier ces fautes signifierai t tout démolir afin de tout reconstruire.

De quelle « magouille » vont-ils user pour éviter cette démolition ? Et comment ne pas prendre en compte les aspects physiques et les dimensions sociales du problème ,car le préjudice causé aux gens déracinés de ce quartier ne pourra de toutes façons jamais être réparé » a déclaré l’architecte Kıyak.

La décision de la justice : « Aucun intérêt public »

La cour a décidé que le schéma précédent violait la Loi N° 5366 et qu’il n’était pas conforme à l’intérêt public.

Le verdict a mis l’accent sur l’importance historique du lieu, ajoutant que les auteurs du projet avait été incapables de fournir un « plan de zoning » démontrant sa volonté de la préserver. Le verdict a aussi insisté sur le fait que le projet violait tous les engagements que la Turquie avait pris lorsqu’Istanbul a été inscrite à la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco.