Ismet Berkan répond ici au diagnostic qu’il a formulé sur l’état de la société turque actuelle en abordant la question de l’éducation. Suite de son précédent éditorial, le principal problème en Turquie.
Süleyman Demirel est né dans un village d’Isparta. Ce qui lui a permis d’être propulsé de ce village d’Isparta jusqu’au sommet de l’Etat est l’éducation qu’il a reçue.
On peut trouver en Turquie des milliers de récits de réussite comme celle de Süleyman Demirel. Le point commun à tous ces récits : l’éducation.
Dans les pays comme la Turquie où les classes sociales n’ont pas de fondations solides, la voie la plus propice pour une ascension sociale de la population est l’éducation.
Si vous avez eu une meilleure éducation que votre père, il n’y a aucun doute que vous vivrez une vie plus aisée que lui.
Le défi de l’emploi qualifié
Hier, dans cette même rubrique, je disais que le problème le plus important de la Turquie était celui des inégalités. La solution pour vaincre ces inégalités à court terme comme à moyen terme est l’éducation.
Hier, j’ai donné l’exemple d’une famille qui, quittant le village et l’agriculture, était venue dans la grande ville. Je reprends le même exemple :
Que vont faire dans la grande ville la mère, le père, les jeunes hommes et jeunes filles qui, au village, n’ont fait que des travaux temporaires d’agriculture et d’élevage ?
De nos jours, le marché de l’emploi ne s’intéresse plus aux travailleurs sans formation qui n’ont rien d’autre à offrir que leur force physique. Le marché de l’emploi cherche actuellement des éléments de plus en plus experts, avec des qualifications de plus en plus spécifiques.
Donc, si nous n’arrivons pas à offrir à ces adultes, hommes et femmes, qui sont venus de leur village une éducation même courte qui puisse leur donner cette qualification, alors, ces gens seront écrasés et perdus.
Bien sûr, l’AKP (Parti de la Justice et du Développement, au pouvoir aujourd’hui) leur distribue de la nourriture, du charbon, mais il ne manifeste pas la moindre intention de leur offrir des formations professionnelles.
Cela ne changera pas d’ailleurs. Et comme nous avons une opposition qui ne met pas à l’ordre du jour ces sujets sérieux et qui n’ouvre pas la voie à l’emploi par des conseils constructifs, les personnes venues des zones rurales ou celles qui vivent dans les banlieues des villes se retrouvent livrées à elles-mêmes, condamnées à la faim.
Et leurs enfants ? Eh bien pendant que leurs parents meurent de faim, bien sûr, les enfants ne sont pas envoyés à l’école. Les petits vendeurs ou vendeuses de mouchoirs que vous voyez dans la rue sont forcés par leurs familles à travailler.
Ceux qui ne sont pas forcés par leurs familles à travailler n’ont pas non plus une situation bien brillante, ils passent leur temps dans la rue et essaient de grandir dans des conditions peu saines.
Pour supprimer ou réduire les inégalités, il faut commencer le travail par les couches les plus pauvres, les plus nécessiteuses de la société.
Investissements sociaux
Et comme je l’ai dit, il faut commencer par l’ouverture de formations professionnelles destinées aux adultes.
Mais il ne suffit pas non plus de faire cela. Il faut absolument que la Turquie investisse dans l’éducation. Pour la première fois, sous ce gouvernement, le budget de l’Education Nationale a dépassé celui de la Défense.
Certes, c’est une bonne chose mais cela ne suffit pas. Nous devons encore augmenter les revenus réservés à l’Education. C’est la seule solution pour pouvoir atteindre l’égalité en matière d’éducation et c’est encore la seule solution pour pouvoir commencer à vaincre les inégalités sociales.
Nous pouvons discuter longtemps sur les problèmes liés à l’éducation mais il faut peut-être commencer par la qualité de l’enseignement général. L’amélioration de la qualité de l’enseignement dans les écoles publiques passe par des investissements financiers et par notre capacité à former les enseignants, il ne faut pas l’oublier.
Il ne faut pas non plus être trop pessimistes car la demande face à l’enseignement, en particulier face à l’enseignement gratuit, montre que le peuple turc a conscience de l’importance de l’éducation.
Pour ma part, je fais le pari qu’un parti politique peut remporter des voix même en n’ayant qu’un programme réalisable basé sur l’éducation.
On ne s’en rend pas compte dans les tracas de la vie quotidienne mais tout le monde a des enfants et chacun pense à l’avenir de ses enfants autant qu’au sien, voire beaucoup plus.
Traduction pour Turquie Européenne : Sebahat Erol