Un peu en vrac mais dans le ton, commençons par la rumeur délirante dénuée de tout fondement semble être une spécialité de la presse « républicaine » en Turquie ces derniers temps.
Après avoir annoncé que Murat Karayilan [chef opérationnel du PKK ] avait été grièvement blessé dans un bombardement et qu’il était soigné dans la région du Sinjar (Irak, zone Yezidi), certains médias turcs ont annoncé le week-end dernier que Massoud Barzani [président de la région kurde d’Irak et patron du PDK, Parti Démocratique du Kurdistan] s’était envolé dans un avion américain en compagnie du même Karayilan et de Cemil Bayik, faisant étape à Incirlik (base aérienne turque « prêtée » aux Américains et située près d’Adana) avant de gagner l’Italie.
Une manière comme une autre d’exciter l’opinon turque, qui se ramollit un peu ces temps-ci... Quoi, le « chef-de-tribu-féodale » tient les « chefs de l’organisation-séparatiste-terroriste-tueuse-de-bébés » et ne nous les livre pas ?
Plus inquiétant, d’autres rumeurs annoncent une tentative d’assassinat sur Barzani, et son admission dans un hôpital israélien...
Quelque chose qui ne ramollit pas, c’est le sol des montagnes kurdes. Par pur mauvais esprit, je suis quotidiennement la météo du Kurdistan, et CA Y EST ! IL NEIGE à Hakkari et Yuksekova...
Rendez-vous donc en avril pour l’épisode XII de « Regain de tension à la frontière Irakienne », à moins que l’armée turque ne préfère nous préparer un remake de « Sarikamis 1914, 90 000 soldats morts de froid sans voir un Russe » [offensive lancée par le gouvernement Jeune Turc contre les troupes russes et fauchée dans son élan par une vague de froid sans précédent].
Un journaliste kurde, Mehmet Metiner, est d’avis qu’une fermeture du DTP [Parti pour une Société Démocratique, kurde] profitera surtout au PKK. C’est le bon sens qui parle : le durcissement dans le discours du DTP depuis le 22 juillet, la reprise en main par le PKK, l’entêtement à demander la libération du « soleil de l’humanité » [métaphore désignant le leader emprisonné du PKK, Öcalan] et à faire comme si sa santé était le point de convergence de toutes les luttes kurdes ne doivent rien au hasard.
C’est la perte d’influence du PKK au Kurdistan qui le pousse d’une part à tenter d’attirer la Turquie dans un bourbier irakien, et d’autre part à faire fermer le DTP, qui a eu des résultats très décevants (mais prévisibles) aux dernières élections.
Si Erdogan semble avoir réussi à éviter l’option militaire et tente maintenant de promouvoir une solution pacifique et démocratique, l’expérience montre que le PKK fera tout pour l’empêcher...on ne le dira jamais assez, mais la démocratie et les droits de kurdes sont la pire chose qui pourrait arriver au PKK.
Le chiffre
Combien la Turquie a-t-elle dépensé pour lutter contre le PKK depuis le début de son activité armée à grande échelle en 1984 ?
300 000 000 000 $
Ce chiffre est donné par le porte parole du gouvernement, Cemil Cicek [faucon parmi les faucons s’il en fut jamais ]... Peut-on légitimement supposer qu’il est sous-estimé ?
Le PKK a quant à lui survécu avec un budget que l’on peut vraisemblablement estimer comme légèrement inférieur.
Selon un rapport de l’économiste Mustafa Sönmez, ce sont 29% des ressources investies par la Turquie dans le sud-est qui sont dépensées en sécurité et en défense.
19,6 milliards de YTL sont prévus pour le budget de la défense (8,8% du budget), sans compter 5 milliards pour l’achat de nouvelles armes. Le budget de l’éducation est lui de 22 milliards...celui de la santé de...1,05 milliards.
Il est amusant de mettre ses chiffres faramineux en parallèle avec les déclarations des 8 soldats récemment capturés par le PKK à leur libération : fusils enrayés, officiers absents, nourriture insuffisante. En attendant, l’armée est la première entreprise du pays, possédant des fonds de pension, des usines, un parc immobilier énorme...