29 mai 1960 : les « jeunes officiers » - formule appelée à une postérité certaine - sont inquiets ; ils fomentent le premier coup d’Etat de la République de Turquie.
Mai 2007 : les « jeunes civils » sont inquiets ; ils fomentent le premier coup d’éclat de la politique turque. Bruits de botte et chants sacrés seraient-ils donc les seules nourritures d’une si frêle démocratie turque ? Non. Résolument non. Comme disait Marx, dans la répétition, la première est tragique, la seconde est comique... Quant à la cinquième, elle relève forcément de la mauvaise farce : voilà toute la distance absolument vitale que cherche à mettre en valeur cette poignée de jeunes gens avec pour toute arme un inimitable pouvoir de dérision. Aliye Öztürk fut leur candidate à la Présidence de la république... et un choc pour bon nombre.
Ils montent aujourd’hui en première ligne contre des généraux qui se mettent en scène avec un « art » que Courteline et les Monty Pythons n’auraient pas désavoué...
Le contre mémorandum des Jeunes Civils
Le 27 avril à 23h30, des noctambules en poste à l’état-major des armées turques ont émis un mémorandum, non sans allègrement violer le cadre de leurs propres attributions constitutionnelles.
Nous vous transmettons ce pensum tel quel, maculé de mauvais turc et d’expressions trahissant une inspiration d’insomniaque et dont la trame repose sur une formulation assez proche de ce que peut produire un élève d’école primaire.
Avec une telle déclaration, même en Haïti un coup d’Etat ne serait pas possible !
Nous n’avons aucunement l’intention de succomber aux jeux de putschistes amateurs et somnambules que la démocratie épuise.
Nous ne vivons pas ici dans une République bananière où chaque militaire serait libre de mettre en scène l’opérette de son petit coup d’Etat à chaque flatulence de ses neurones.
Nous ne sommes pas en Thaïlande ou en Haïti !
Nous sommes ici en Turquie !
Un pays doté d’une assemblée depuis 1876, où l’on vote depuis 1908. Un pays constitué en République depuis 1923…
Les militaires et tous ceux qui, s’alignant derrière eux sur une seule et même ligne, pensent faire de la politique, du journalisme ou défendre les intérêts de la société civile, tous ceux-là doivent apprendre à se mesurer à cette réalité.
Tous les politiciens et tous les académiciens qui ont été recalé à l’examen démocratique dans les périodes les plus difficiles, nous les renvoyons auprès de tous ceux qui les ont précédés dans le soutien à d’autres juntes : aux tréfonds de la poubelle de l’histoire !
Nous appelons tous ceux qui, pour faire des coups d’Etat et se trouver des prétextes copient maladroitement les kermesses enfantines, à lire l’histoire et à suivre ce qui se passe dans le monde.
Le gouvernement doit faire preuve du courage que requiert la mise à pied des militaires qui ont apposé leur signature au bas de ce mémorandum.
Les militaires en retraite doivent être en mesure de publier en toute liberté tous les mémorandums et toutes les déclarations qu’ils souhaitent ! Ils peuvent concevoir tous les plans de putsch qui leur plaisent !
Mais nous ne permettrons pas qu’on utilise contre nous les armes achetées avec nos impôts !
Avec quatre coups d’Etat, la Turquie a déjà été la risée du monde entier. Elle a beaucoup souffert de ces événements.
Plus jamais ça !
Quatre coups d’Etat, des premiers ministres pendus, des milliers de personnes torturées. Des assemblées fermées. Le peuple s’est tu.
L’armée a publié des dizaines de mémorandums, la démocratie a été foulée aux pieds. Le peuple s’est tu.
Des candidats aux élections présidentielles ont été menacés, les portes de l’assemblée éventrées à coups de rangers. Le peuple s’est tu.
Mais désormais, que tout le monde sache que nous ne sommes plus le peuple sans voix d’antan. Aujourd’hui, nous nous emparons de la façon dont vont les choses.
Nous autres soussignés, déclarons ouvertement qu’à partir de maintenant nous résisterons jusqu’au bout en usant de tous nos droits légitimes et démocratiques pour protéger notre démocratie contre toutes les déclarations, les tentatives de coup d’Etat fussent-ils modernes, postmodernes et minuitesques.