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Le véritable enjeu des élections

jeudi 26 juillet 2007, par Etyen Mahçupyan, Sebahat Erol

Ces derniers jours, on n’arrête pas de recevoir des mails ayant tous la même teneur. Selon ces mails, Agos soutiendrait l’AKP et influencerait la communauté arménienne dans ce sens ; et l’affirmation la plus drôle, c’est que si Hrant vivait encore, les choses ne se passeraient pas ainsi. Ces gens ne semblent pas se rendre compte du manque de cohésion vécu actuellement en Turquie. Nous n’avons pas du tout donné de consigne de vote dans notre journal car, pour nous, notre candidat est clairement désigné : Baskın Oran… Pourtant, si nous parlons politique, en ce moment, plus de la moitié de ceux qui travaillent pour Agos soutient l’AKP, ce qui est une situation inédite. Nous avions évoqué maintes fois les élections à venir avec Hrant. A cette période où il n’était pas encore question de candidats indépendants, Hrant aussi optait clairement pour l’AKP. En effet, pour lui, le plus important était la poursuite du processus d’adhésion de la Turquie à l’UE et la formation, dans ce cadre-là, d’un pouvoir qui aborde de façon démocratique les problèmes de la communauté arménienne. Il en est de même pour nous … De même que, lors des manifestations, en lançant le slogan « Nous sommes tous des Arméniens », les gens ne sont pas devenus Arméniens, de même, les Arméniens qui seront tentés par le vote AKP ne deviendront pas « Musulmans ». Le vote pour un parti politique doit dépasser l’intérêt identitaire, ce doit être un choix citoyen. D’ailleurs, c’est ainsi que la communauté arménienne déclare vouloir agir ; mais malheureusement, les milieux qui se considèrent comme les vrais citoyens tentent encore de nous pousser vers un comportement identitaire. Etonnante contradiction que celle que nous vivons : alors que ceux qui se disent « progressistes » invitent les Arméniens à adopter une posture conforme à leur origine ethnique, les Arméniens, eux, se comportent en citoyens…

Ces derniers temps, Agos a publié de nombreux écrits concernant les élections. Les éditorialistes ont rédigé des textes reflétant leur propre point de vue, leurs propres sentiments. Au début, nous avons pu lire des articles favorables à l’AKP, parti qui, pour eux, se distinguait des autres. Avec l’apparition des candidats indépendants, les auteurs d’Agos ont clairement montré leur préférence envers ces derniers. Mais en ce qui concerne l’orientation générale du journal, ce thème n’a fait la une qu’une seule fois dans un article qui, tout en traduisant des points de vue divergents, reflétait la pensée centrale de la communauté arménienne : « Les Arméniens voteront pour l’UE »… En fait, ce constat révélait aussi pourquoi les votes de notre communauté allaient de préférence au parti AKP. En effet, la pensée qui domine dans notre communauté est que les problèmes ne seront résolus que dans une Turquie membre de l’UE. Par conséquent, quoi de plus naturel que d’être du côté des politiques qui soutiennent le processus d’adhésion et qui souhaitent sincèrement devenir Européens ? D’ailleurs, nous venons de découvrir les premiers résultats d’un large sondage que nous n’avons pas encore publié et que nous aurons en main après les élections. Afin de ne pas voler la vedette aux jeunes qui ont fait cette enquête et qui méritent d’annoncer les résultats, je leur laisse ce sujet ; mais si Baskın Oran ne s’était pas présenté, il est clair qu’au moins 60% des voix arméniennes allaient à l’AKP.

Donc, pendant cette période, Agos a adopté une attitude non pas normative mais positive. Le journal a pointé ce qui était bien plus que ce qui devrait être. En d’autres termes, les Arméniens ne votent pas pour tel ou tel parti à cause du journal Agos. Au contraire, c’est Agos qui essaie d’observer et de comprendre les sensibilités des Arméniens. Par conséquent, il est utile que ceux qui se sentent toujours concernés par la politique réfléchissent à ce choix de comportement des Arméniens. Bien évidemment, dans la deuxième circonscription d’Istanbul, les voix vont aller à Baskın Oran ; car c’est un choix « naturel ». Avec son attitude, les sensibilités qu’il porte en lui, sa morale, Baskın Oran est une personne remarquable. Les Arméniens établissent même entre Baskın et eux un lien identitaire indirect. En résumé, le fait que les Arméniens votent pour Baskın est un phénomène qui ne supporte pas la comparaison si l’on considère les élections vécues jusqu’à présent. Mais dans les autres circonscriptions, il n’est pas du tout « naturel » que la communauté arménienne veuille voter pour l’AKP et c’est la raison pour laquelle cela mérite qu’on s’attarde dessus.

Ces élections se font à l’un des tournants les plus critiques de l’histoire de la République. Nous avons face à nous deux blocs, l’un favorable à la politique et à la démocratie, l’autre, à l’Etat et à un régime autoritaire. Ce n’est pas une élection, c’est un référendum. C’est précisément pour cette raison que les penchants identitaires sont relégués à l’arrière plan. Car ces élections concernent l’avenir, notre avenir. Un avenir dont il sera difficile de revenir en arrière… Un avenir qui signifiera que toute une génération sera gagnée ou perdue… C’est pourquoi Baskın Oran et l’AKP se retrouvent dans le même camp. Malgré le fossé qui existe entre eux, malgré les dissensions sur le plan identitaire…

Ce qu’on peut voir, c’est que les Arméniens ont compris l’importance de ce tournant historique et se trouvent en voie de se recréer comme citoyens. Que les Musulmans et non musulmans qui ne sont pas parvenus à se libérer d’un comportement communautaire en prennent de la graine…

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Sources

Traduction Sebahat Erol - © Turquie Européenne 2007

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