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Le témoignage d’une manifestante de Lyon

mercredi 5 avril 2006

" Beaucoup de mes amis m’ont demandé pourquoi je m’étais rendue à cette manifestation des associations turques de la région lyonnaise contre l’édification d’un mémorial du génocide arménien en plein cœur de Lyon le 18 mars dernier, alors que le matin même je défilais pour protester contre le CPE.
Il y avait un certain paradoxe en effet : les personnes avec qui j’avais marché le matin même hurlaient contre le cortège « fascistes ! » et donc face à moi, nous huaient, nous jetaient des pierres ...


Mais je ne regrette pas d’avoir assisté à cet événement : j’ai beaucoup observé et appris.


J’ai été déçue ... blessée, mais par les miens, à cause de leur acharnement et de leur fermeture d’esprit ; on croirait qu’ils portent des oeillères. Je suis restée en retrait du cortège, et j’ai croisé beaucoup d’Arméniens en larmes, ça m’a touché, je suis consciente de leur deuil, je l’accepte, je le partage.
Mais je reste incomprise et des miens et des Arméniens, les personnes vers qui je suis allée pour expliquer ma position, ne m’ont même pas écoutée, m’ont rabrouée, et insultée.


Je ne veux pas que l’on s’arrête à un banal décompte de cadavres afin de savoir si l’on a dépassé le million, et si c’est qualifiable ou non de génocide.
Je veux que l’on accepte ce que l’Etat turc a fait à cette époque, je ne veux plus payer pour lui.
Je ne veux plus que, lorsque je rencontre un arménien, la première chose qu’il me demande soit : « Reconnais-tu le génocide arménien ? ».
Je réponds : « je reconnais que notre pays a beaucoup perdu en déportant tout un peuple, un peuple éclairé ».
Mais ça me dépasse maintenant tout ça, je perds espoir, courage ... Surtout lorsque je me rends compte que l’on se trouve dans un cercle vicieux : le nationalisme turc se nourrit du nationalisme arménien et vice versa ...

Pourquoi y suis-je allée ?


Et bien une seule chose m’a fait réagir : ce mémorial va être financé en grande partie par des subventions municipales, donc l’argent du contribuable.
Ca ce n’est pas normal, sur un sujet aussi épineux la ville de Lyon a fait une grosse erreur, qui va en entraîner d’autres.
C’est un sujet que les Turcs ont « à fleur de peau », qu’ils reconnaissent ou non le génocide, c’est un tabou, ça crée un malaise. Et grâce à la mairie de Lyon et son tact légendaire, un pas en arrière a été fait sur le chemin de la réconciliation entre ces deux peuples au passé tragique.
Chez beaucoup de Turcs ce génocide est une question de temps et de compréhension, ils accepteront que le nombre de « cadavres » n’est pas une question pertinente, qu’il y ait eu des massacres, ils le concèdent tous.
Un peuple entier a été supprimé de notre mosaïque, il comprendront, un jour, j’en suis sûre, l’ampleur du geste.

Partialité médiatique


J’ai été extrêmement révoltée par les médias, par leur retransmission des faits : aucune objectivité.
Il n’y avait aucune association extrémiste, ou mouvement loups gris, c’est de la désinformation totale. De tout l’après midi j’ai entrevu un seul et unique drapeau frappé des trois croissants, qui a été vite rangé sur demande expresse des services de sécurité des associations franco turques.
Le signe assimilé au salut nazi, si il a été fait, dés qu’une main se levait, dés que quelqu’un brandissait son bras, il y avait toujours un autre pour dire « arrête tes bêtises ».
Cette manifestation était très hétéroclite, il y avait de tout : des nationalistes certes, des socialistes, des religieux... des personnes très cultivées de niveau universitaire, jusqu’à la grand mère...

Je ne cautionne pas tout ce qui s’est passé : ni les débordements, ni certains comportements, mais je déplore la non-objectivité des médias.
Au delà d’une manifestation négationniste, ce fut plutôt une démonstration de ras-le-bol général.
Les Turcs qui étaient là, avaient un peu oublié la raison de leur présence, ils criaient et scandaient leur mécontentement : d’avoir une mauvaise image (même s’ils ne font rien pour l’arranger certes), d’être jugés d’office, de devoir rendre des comptes pour des évènements dont ils ne sont pas eux-mêmes responsables ...
Je n’approuve pas cette manifestation, mais je partage certains de ces sentiments.
Je ne veux plus qu’on me taxe de barbare, d’inculte, ou qu’on me regarde de haut simplement parce que je suis turque."

Nâme

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