Mettons qu’en Turquie, le blanc soit blanc et le noir soit noir. Que l’AKP (parti gouvernemental) soit un affreux parti islamiste avec un « agenda caché » et que le CHP (parti de gauche kémaliste) et le président Sezer soient de farouches défenseurs de la laïcité.
On pourrait penser que la laïcité, c’est la religion tenue à l’écart de l’Etat, et de fait une égalité de traitement des religions par l’Etat. Enfin c’est comme ça que j’aurais tendance à le comprendre.
Donc, en toute logique, les minuscules minorités chrétiennes de Turquie devraient voter en masser pour le CHP afin de faire barrage aux méchants islamistes.
J’ai déja cité ce reportage dans le dernier village arménien de Turquie, où les habitants annoncent qu’ils vont voter AKP.
Voici maintenant une petite analyse du vote des minorités chrétiennes à Istanbul (où Juifs, Grecs et Arméniens sont concentrés).
Stupeur ! Enfer et Damnation ! Comme un seul homme, ils annoncent qu’ils vont voter pour les candidats gauchistes indépendants, ou à défaut pour l’AKP. Quid du CHP et de sa croisade pour la laïcité ? L’éditeur grec Vassiliadis le met sur le même plan que le MHP (texrt^me droite nationaliste) : pour lui, un vote des minorités pour ces partis est « impensable ».
Mais pourquoi le champion autoproclamé de la laïcité peine-t-il autant à attirer vers lui ceux qui devraient être des électeurs naturels ?
Apparemment, ces rancuniers ne digèrent toujours pas le veto du Président Sezer et du CHP à la « loi sur les fondations » qu’a tenté de faire passer l’AKP, et qui devait permettre aux Grecs, Juifs et Arméniens de récupérer les biens dont ils avaient été expropriés par l’Etat dans les années 70.
Encore plus rancuniers, les Grecs estiment que le CHP a joué un grand rôle organisationnel dans les émeutes anti-chrétiennes de septembre 1955, qui avaient provoqué une vague d’exode chez les minorités reconnues par le traité de lausanne signé par la Turquie.
Notons également que dans la Turquie laïque, les membres de ces minorités ne peuvent accéder à la haute fonction publique, à la diplomatie et aux fonctions militaires. Loi, naturellement, non écrite.
Réponse du MHP à ces allégations : « les Arméniens et les Grecs sont des citoyens comme les autres ». Ce qui n’empêche pas ses militants d’aller brailler à chaque cérémonie religieuse.
Réponse du CHP ? Pas de commentaire.
Donc s’il vous plaît, chers journalistes français, cessez d’appeller « laïque » l’opposition turque à l’AKP : ni « l’Association pour la pensée d’Atatürk », ni le CHP, ni le président Sezer ne croient à la liberté de culte ou à l’égalité des droits entre les religions. Un athée est toujours un sous homme. Un converti est toujours un apostat. Un chrétien est toujours un traître potentiel, un agent de la conspiration internationale contre la Turquie.