« La seule façon d’être suivi, c’est de courir plus vite que les autres ».
François Bayrou vient confirmer cette citation de Francis Picabia en ayant
réussi à s’imposer comme le vrai candidat de l’Europe simplement parce que c’est lui qui a fait le plus de diligence dans le sujet. Son discours européen est séduisant au premier abord car il semble droit et simple. A l’écouter on aurait presque l’impression que ses propositions sont les seules valables pour la construction de l’UE. Mais les français et autres européens savent-ils vraiment quelle Europe souhaite le patron de l’UDF ?
Cette Europe « audacieuse » que nous propose François Bayrou peut se décomposer de la sorte :
Augmenter la fédéralisation de certains domaines (tel que la PESC, le modèle social européen, visas, immigration, etc.) grâce notamment à ce que Bayrou rebaptise « l’Europe socle » qui n’est autre que le système déjà existant des coopérations renforcées dont le meilleur exemple est celui de l’euro.
En matière de diplomatie Bayrou refuse que le siège permanent français de l’ONU soit remplacé par un siège attribué à l’Union Européenne.
Conserver le statut très indépendant et monétariste de la Banque Centrale Européenne (BCE) malgré le besoin d’une politique de croissance à l’échelle européenne.
Bref, aucune innovation de fond. François Bayrou utilise les marges de manœuvres avec le système déjà existant. Certains diront que ce n’est déjà pas si mal en comparaison avec les autres candidats qui se cantonnent à des banalités généralistes pour leur discours sur l’Europe. Certes, sauf qu’en faisant passer Bayrou comme le plus européen de tous on rend légitime sa propre vision de l’Union Européenne. Cela devient très gênant lorsqu’il en profite pour placer, l’air de rien, sa vision ethnocentriste de l’UE en rejetant formellement
l’adhésion de la Turquie afin de garantir un « espace politique cohérent ».
Mais sur quel critère se base François Bayrou pour décréter que la Turquie viendrait rendre incohérent l’espace politique européen ? Il donne une réponse en affirmant que « l ’entrée de la Turquie dans l’UE change la nature de l’Europe ».
On comprend alors qu’il dit cela parce que la Turquie est un pays à majorité musulmane. On peut en déduire que pour Bayrou, cette « nature de l’Europe » dont il nous parle serait d’essence « chrétienne ».
L’Europe de Bayrou : une sorte de Saint-Empire romain germanique dans lequel le souverain pontife serait remplacé par la BCE.
Et voilà, non content d’occulter l’histoire complexe du continent et de ses
peuples, l’homme qui murmure en béarnais à l’oreille des chevaux balaye aussi tout le travail accompli depuis plus d’un demi-siècle par, entre autres, le Conseil de l’Europe sur la nature culturelle et identitaire du continent. Une identité basée sur la diversité culturelle et religieuse avec une commune adhésion à des valeurs universelles et laïques.
Apparemment, pour François Bayrou, l’identité et la nature de l’Europe ne peut se fonder que sur la chrétienté. Quelle grande avancée pour nous tous.
Sans nul doute, la Turquie doit encore progresser dans ses réformes, mais comment peut on rejeter formellement sa future adhésion ? Bayrou en arrive à donner la primauté à des valeurs irrationnelles d’exclusivisme religieux alors que la Turquie doit entrer dans l’UE au moins pour des raisons économiques et démographiques (à moins de souhaiter une maison de retraite en guise d’Union Européenne).
Parlez à François Bayrou de la devise « unie dans la diversité » il
n’en sera que ravi mais intégrez-y la Turquie et il pressera très fort son chapelet.
C’est pourtant la laïcité qui garantit la liberté religieuse, l’égalité et
l’intégration de tous. François Bayrou estime que l’entrée de la Turquie change la nature de l’Europe ; je dis que l’entrée de la Turquie confirme la nature de l’Europe en certifiant la laïcité de cette dernière.