Le 20 mars 1995, à la veille du Newroz, l’armée turque lançait une grande opération transfrontalière contre les camps du PKK en « Irak du Nord ». Objectif avoué : écraser les camps du PKK pour empêcher la guerrilla de lancer des opérations contre la Turquie.
La première ministre Tansu Ciller, en réponse aux protestations occidentales justifiait cette action comme « une opération militaire ponctuelle dans le nord de l’Irak afin de neutraliser les camps du PKK dans cette région frontalière, et donc protéger les populations innocentes contre les raids du PKK à partir des camps situés en territoire irakien. »
A l’époque, Chris Kutschera parlait de « Telethon » organisé par les médias turcs pour aider financièrement l’armée (premier groupe économique du pays).
Le commandant en chef de l’offensive Hasan Kundakci affirmait lui sans rire : « je ne resterai pas en paix dans ma tombe si je meurs avant l’éradication du PKK ! » (Milliyet, le 22 mars 1995)".
Détail plus que rigolo, Hasan Kundakci est maintenant lié aux groupuscules nationalistes qui visent à éliminer les « ennemis de la race » comme Hrant Dink. On espère en tous cas, pour son repos éternel, qu’il pourra encore jouir longtemps d’une bonne santé.
Après 2 semaines de combats, les 35 000 soldats turcs avaient réussi à tuer 200 guerilleros... Le 2 Mai, l’armée parlait de « Succès total » - on savoure, 12 ans plus tard - et annonçait 555 PKK tués pour 61 soldats.
Le chef du PKK, Öcalan répliquait « Même pas vrai, c’est le contraire » et demandait un cessez le feu le 23 mai.
Le 14 mai 1997, 50 000 hommes, appuyés par les blindés et l’aviation, envahissaient une nouvelle fois le Kurdistan Irakien, provoquant selon les sources militaires, la mort de 2500 PKK. Le problème, c’est que le PKK avait fait mieux que se défendre, abattant des hélicoptères de combat
« La reconnaissance par les autorités que des missiles kurdes SA-7 avaient abattu deux hélicoptères, Cougar et Cobra, a ébranlé les forces armées d’élite turques et déclenché une déplaisante série de reproches. Est également apparu le spectre d’un humiliant retrait devant une confrontation directe avec le PKK, réminiscence du retrait soviétique d’Afghanistan une fois que les missiles Stinger de fabrication américaine ont permis aux Mujaheddin de disputer aux Russes le contrôle aérien », soulignait Reuters.
Les militaires turcs sont probablement méchants, mais certainement loin d’être bêtes. Ils savent très bien qu’une énième opération massive en Irak n’apportera aucun résultat militaire concret. Le gouvernement sait très bien qu’en tentant de négocier avec Bagdad, il ne fait qu’un simulacre de diplomatie. Seule solution : dialoguer avec l’administration kurde autonome d’Irak, lui offrir des garanties, reconnaître l’existence de la région fédérale kurde, arrêter de brandir les sanctions économiques...
Si l’administration kurde se voit garantir un rôle de partenaire économique de la Turquie ne vivant pas sous une menace constante, elle sera peut être plus disposée à agir contre le PKK.
On est donc plongé dans une magnifique opération de relations publiques, afin de mobiliser une opinion publique turque visiblement amnésique, et tuer dans l’œuf tout espoir de réconciliation. Le DTP (Parti pour une société Démocratique, kurde), qui a voté hier contre l’intervention (19 voix contre) est d’ores et déjà inaudible et marginalisé. Tant par l’entêtement du pouvoir turc que par le coup de couteau dans le dos donné par le PKK : les attaques contre l’armée sont allées croissant depuis les élections du 22 juillet et la modeste vague d’espoir provoquée par les tentatives de normalisation du DTP...