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Génocide arménien : premiers pas vers une commission mixte d’historiens

lundi 5 mars 2007, par Ismet Berkan, Marillac


© Marillac et Turquie Européenne pour la traduction
© Radikal 27/02/2007

L’un des responsables de l’Institut arménien Gomidas basé à Londres a récemment proposé à des homologues turcs de se mettre à travailler en commun sur l’étude d’un cas : les conditions et les conséquences de la déportation ou du génocide dans la région de Harput en 1915. La Société d’Histoire Turque, organe de l’histoire officielle « négationniste » en Turquie a semble-t-il accepté le principe d’une telle activité.
Ismet Berkan, rédacteur en chef de Radikal, nous en explique les tenants et les aboutissants.

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Que vous l’aimiez ou non, que vous appréciez ou non le personnage, vous ne pouvez pas aujourd’hui ne pas voir que le président de la Société d’Histoire Turque, le Professeur Yusuf Halaçoglu a commencé de se retrousser les manches pour une tâche de la plus haute importance en ce qui concerne notre pays.

J’en ai déjà parlé il y a quelques jours : M. Ara Sarafyan, de l’Institut Gomidas, l’une des plus importantes institutions de recherche de la diaspora arménienne a lancé à Halaçoglu, il y a de cela une semaine, une proposition de recherche concernant les événements survenus en 1915 dans la région de Harput (Elazig).

On a compris dès le départ que Yusuf Halaçoglu n’avait pas refusé l’invitation faite : il rappelait simplement qu’une invitation officielle ne lui avait pas été faite. Et en fait, l’acte de Ara Sarafyan constitue véritablement un acte de grand courage : on sait très bien en effet que la question du génocide ne souffre aucune remise en question, voire aucun questionnement parmi une diaspora qui met un très grand soin à ne pas approcher toute personne ayant pu déclarer qu’il n’y avait pas eu de génocide.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en son temps la proposition faite par le chef du gouvernement turc, Recep Tayyip Erdogan, de former une commission mixte d’historiens pour étudier le problème fut immédiatement refusée pour faire l’objet d’un profond mépris. Parce que d’après la diaspora, le génocide est une « réalité ».

Or la récente décision de la Cour de Justice Internationale sur la Bosnie a encore une fois montré combien le sujet pouvait donner lieu à débat sur la réalité et comment le fait de se focaliser uniquement sur l’utilisation du terme de génocide pouvait aboutir à des résultats diversifiés.

Si Ara Sarafyan qualifie lui-même les événements de 1915 de génocide, il fait preuve du courage de se confronter aux preuves des tenants de la thèse opposée comme aux documents de la partie turque. Peut-être est-il déjà question, pour cette simple attitude, de son « excommunication » par la diaspora.

Alors que Sarafyan se lance dans une initiative aussi risquée, laisser son offre sans réponse serait faire la preuve que la proposition d’une commission mixte n’avait aucune sincérité et donnerait l’impression que la Turquie se défausse lorsqu’il s’agit de faire face aux thèses de la diaspora.

C’est la raison pour laquelle, je tiens à féliciter le professeur Halaçoglu.

Hier, une autre lettre de M. Sarafyan nous est parvenue. Elle précisait les grandes étapes de la recherche qu’il entend mener en partenariat avec les historiens turcs :

1- L’Institut Gomidas présentera dans un premier temps tous les documents prouvant que les événements qui se sont déroulés à Harput en 1915 ne se réduisent pas à une simple politique de déportation mais constituent en eux-mêmes des faits d’attaque, de massacre et de génocide.

2- Le Professeur Halaçoglu présentera les documents ottomans faisant état de l’application des ordres de déportation à Harput et dans les villages alentour ; ces documents montreront précisément comment et où les personnes soumises à la déportation ont été déplacées et réinstallées, famille par famille, village après village.

3- Ensuite tout le matériel proposé sera examiné avec soin et nous verrons laquelle des deux parties est la plus convaincante. Peut-être que dans les documents de deux parties, nous trouverons des côtés pertinents et des côtés plus critiquables. Nous serons en mesure de voir où ces documents se recoupent, où ils se contredisent. Et au final, nous présenterons l’ensemble de ce matériel au plus grand public.

Je ne sais pas si ces propositions de Ara Sarafyan recueilleront l’assentiment de Halaçoglu et de ses amis mais à première vue elles paraissent assez raisonnables et équilibrées.

Selon moi, il est très important que l’on puisse comprendre ce qu’il s’est passé à Harput et que les deux parties puissent se retrouver sur les conséquences à en tirer. Mais le plus important reste certainement que pour la première fois des historiens de deux parties puissent commencer à débattre sur la base de documents historiques.

Et c’est la raison pour laquelle, j’accorde plus d’importance aux conséquences d’une telle démarche qu’à l’initiative elle-même. Je pense même que le fait qu’une telle démarche puisse être initiée va permettre de donner une précieuse bouffée d’air à la Turquie sur la scène internationale.


- Pour aller plus loin :

- Rencontre entre historiens turcs et arméniens

- Un point de vue de Ara Sarafyan

- Les thèses de Yusuf Halaçoglu

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