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Bonino : « Chypre ne nous fera pas manquer l’opportunité turque »

mercredi 21 juin 2006, par Marillac, Murat Yetkin

© Turquie Européenne pour la traduction

© Radikal, le 20/06/2006

Ministre des Affaires européennes du nouveau gouvernement Prodi, Emma Bonino a choisi la Turquie pour son premier déplacement à l’étranger. Au lendemain d’une nouvelle quasi-crise chypriote entre Ankara et l’UE, elle revient sur le fond des oppositions turco-européennes sur ce dossier : contrairement aux propos complaisamment relayés d’un bout à l’autre du continent, le blocage n’est pas total et les deux partenaires se ménagent des marges de négociation dans l’attente des étapes ultérieures.

Extraits d’une interview de Mme Emma Bonino, réalisée par Murat Yetkin, correspondant du quotidien Radikal à Ankara.

- L’approche de la question turque par le gouvernement Prodi sera-t-elle différente de celle de Berlusconi ?

Non, elle ne le sera pas. Nous avons confirmé notre position lors du dernier Conseil des ministres de Luxembourg. Notre soutien à la perspective européenne de la Turquie se maintient. C’est d’ailleurs un peu pour cela que j’effectue mon premier voyage à l’étranger en tant que ministre en Turquie.

- Comment la déclaration du Premier ministre turc, « si les négociations s’arrêtent, elles s’arrêteront » peut-elle peser sur l’avenir des relations turco-européennes ?
(aux récentes menaces européennes, M. Erdogan a répondu par un cinglant « si les négociations s’arrêtent et bien elles s’arrêteront »)

D’abord disons que Chypre se prête toujours à des réactions de type épidermique. Mais je ne pense pas que ces paroles aient un poids quelconque sur la suite des évènements. Jusqu’à présent, nous avons surmonté trois menaces de veto chypriote. L était évident que l’adhésion de Chypre après le référendum de 2004 ne serait pas chose facile. Après le référendum, nous en tant que Commission européenne, nous nous sommes engagés sur deux choses : une aide au nord de l’île et la levée des embargos commerciaux sur la partie turque de Chypre. On a répondu partiellement à la première ; pas à la seconde. D’ailleurs, on n’a jamais donné de date. La Turquie n’a pour sa part pas précisé de date dans la déclaration qu’elle a jointe au protocole additionnel (au traité d’union douanière qui la lie à l’UE et qu’elle se devait d’étendre aux 10 nouveaux pays membres dont Chypre). D’après moi, il demeure un champ de manœuvres relativement important.

- Les négociations de la Turquie pourraient-elles être interrompues à cause de Chypre ?

En 2004 lorsque nous avons fait le tour des pays européens en tant que commission indépendante pour la Turquie (en 2004, un groupe de personnalités politiques européennes se prononce en faveur de l’adhésion turque. Sous la présidence de Matti Athisari, Président de la République finlandais, on retrouve des noms comme Michel Rocard ou Emma Bonino, ndlr), personne n’aurait pu deviner toute la distance qu’allait parcourir la Turquie en un an et demi. L’année 2007 est une année importante : nous allons changer de Secrétaire général de l’ONU. L’Allemagne présidera l’UE alors que des élections auront lieu en France. Chez vous aussi il y aura l’élection présidentielle. C’est-à-dire que c’est une période pendant laquelle il ne faut pas céder aux attitudes sentimentales. Il est vrai qu’au sein de l’UE tout le monde ne considère pas également la perspective d’adhésion de la Turquie. Oui, il y a des problèmes, mais il y a aussi des grandes opportunités. Je ne pense pas que l’UE puisse souhaiter manquer une occasion aussi difficile que la Turquie simplement à cause de Chypre.

- Quels seraient les apports de la Turquie à l’UE ?

Il suffit de regarder une carte. C’est un corridor énergétique de toute première importance. Nous serons là le 13 juillet lors de l’inauguration de l’oléoduc Bakou-Ceyhan. Nous prêtons également beaucoup d’attention à la réalisation de la liaison Samsun-Ceyhan.
Ensuite, la jeunesse de sa population et son potentiel économique en perpétuelle croissance constituent des avantages importants. L’Italie est aujourd’hui le troisième partenaire commercial de la Turquie. Nous voyons bien que la Turquie ne se limite pas à Istanbul et Ankara. Par exemple, Gaziantep et Kayseri représentent pour nous des espaces d’investissement très attractifs. L’armée turque représente pour l’UE une valeur importante. Dans le cadre des opérations de maintien de la paix, de plus en plus de missions seront confiées à l’UE. J’ai pu constater le rôle joué par les unités turques en Afghanistan comme leur place au sein de l’OTAN.

Jean Monnet, l’un des pères fondateurs de l’OTAN avait l’habitude de dire que « si la politique pose problème, alors il faut essayer le commerce ». Souvenons-nous qu’à une époque où la perspective européenne était bouchée, l’UE fut fondée par une union du charbon et de l’acier. En restant calme, en continuant d’avancer avec détermination sur la voie européenne, la Turquie ne peut que récolter les fruits de ses efforts.

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