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Une main féminine sur la question chypriote ?

dimanche 19 février 2006, par Ioannis N. Grigoriadis

© Turquie Européenne pour la traduction
© Radikal, le 18/02/2006

Diplômé de l’Ecole des Afffaires publiques et internationals de l’Université de Columbia, Ioannis N. Grigoriadis est titulaire d’un doctorat de l’Ecole des Etudes Orientales et Africaines de Londres. Il enseigne aujourd’hui à l’université privée Sabanci d’Istanbul. En exclusivité pour le quotidien turc Radikal, il propose une lecture des dernières évolutions politiques à Athènes à la lumière d’une question chypriote toujours aussi délicate.

La solution à Chypre...

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Starring :
- à gauche, Tasos Papadopoulos, Président de la République de Chypre (de facto, la partie grecque)

- à droite, Rauf Denktas, ex et Président historique de la République Turque de Chypre du Nord.
Deux leaders partisans, chacun à leur manière, du statu-quo sur l’île.

© Emre Ulas, le 25/04/2004 (lendemain du référendum sur le plan Annan)

La nomination de Dora Bakoyannis au poste de ministre des Affaires étrangères a remis au gôut du jour la question de la politique grecque concernant la question chypriote.
Fille de l’ancien premier ministre grec Konstantinos Mitsotakis, elle est la personnalité la plus douée et la plus populaire de la mouvance libérale du Parti de la Nouvelle Démocratie.déjà ministre sour le gouvernement de son père entre 1990 et 1993, c’est après avoir pris ses responsabilités au sein de l’équipe dirigeante de son parti devenu alors la principale force d’opposition qu’elle est devenue en 2002 maire de la ville d’Athènes.

Connue, en tant que maire d’Athènes, comme une supportrice déclarée du Oui au référendum sur le plan Annan (avril 2004) et comme une partisane constante et de longue date d’une amélioration des relations turco-grecques, Dora Bakoyannis ne cachait pas tout l’intérêt qu’elle portait au ministère des Affaires étrangères. Cependant le premier ministre Karamanlis, pour ne pas contrarier l’aile nationaliste de son parti de la Nouvelle démocratie comme pour ne pas céder trop de place au parti d’extrême droite en progression, Mobilisation Orthodoxe nationale, a recherché, à l’instar de la position adoptée tout au long de la campagne référendaire à Chypre, une position « médiane ».

La politique chypriote de son ministre des Affaires étrangères, l’ancien diplomate Petros Molyviatis, n’étant orienté que vers la préservation des équilibres internes et externes, ne devait satisfaire ni les faucons en Grèce ni la communauté internationale. Connaissant l’intérêt de Dora Bakoyannis pour le poste voire même, à terme, pour la place de Karamanlis à la tête du gouvernement comme la volonté de Molyviatis en raison d’un âge avancé, de quitter les responsabilités, l’aile dure des conseillers de Karamanlis ainsi que la presse conservatrice se sont efforcés pendant des mois à prévenir la nomination du maire d’Athènes. Nicosie leur est même venue en aide. Alors que son père Mitsotakis est un des hommes politiques grecs les plus farouchement opposés à la politique de Tassos Papadopoulos (Président de la République de Chypre), la candidature de Dora Bakoyannis pour la chancellerie n’était pas faite pour réjouir le gouvernement Papadopoulos ni la presse nationaliste chyprogrecque.

Après l’annonce de la décision de Karamanlis, ils n’ont d’ailleurs pas pu cacher leur inquiétude. Les cercles nationalistes d’Athènes n’étaient pas non plus de la fête.

L’avertissement de Straw

Par conséquent, la nomination de Dora Bakoyannis à la tête du ministère des Affaires étrangères grec peut être commenté comme le signal d’une inflexion de la politique grecque sur la question chypriote. La politique chypriote menée par Athènes par la suite du référendum tenu sur l’île en 2004 s’est limitée à ne pas contrarier la ligne de Papadopoulos. Cette politique chyprogrecque qui consiste à se débarrasser peu à peu du plan Annan et du processus onusien en favorisant une sorte de solution appuyée sur l’acquis communautaire de l’UE, le tout en refusant de lever les embargos maintenus contre la partie nord de l’île, devait connaître, dans les dernières semaines, deux coups de semonce, ou deux premières preuves sérieuses de son échec à terme.

- La visite de Jack Straw, le chef du Foreign Office, à Chypre durant laquelle il a rencontré le Président de la République Turque de Chypre du Nord, Mehmet Ali Talat dans son enceinte présidentielle mais devait être, en conséquence, non reçu par la Présidence grecque tend à prouver l’isolement croissant de l’administration Papadopoulos.

- En outre, les déclarations de Straw devant la chambre des communes selon laquelle l’attitude négative de la partie grecque de l’île pouvait très bien conduire à une reconnaissance de facto du statu-quo voire à sa légitimation ont constitué une première et n’ont pas peu contribué à susciter un grand trouble à Nicosie et à Athènes.
Il est probable que ces avertissements ne soient pas étrangers à la nomination de Bakoyannis.

La possibilité de gagner du temps

On comprend de tout ceci que, malgré l’opposition toujours existante de l’opinion publique grecque au Plan Annan et les perspectives des municipales (octobre 2006) et des législatives (au plus tard en 2008), Karamanlis est intervenu de manière à prévenir une défaite ou un échec sérieux dans la politique chypriote de la Grèce. Dora Bakoyannis, en tant que partisane sincère d’une solution fondée sur le plan Annan peut permettre à Athènes ainsi qu’à Nicosie, de gagner du temps. Dans le même temps, elle peut lancer une nouvelle politique chypriote rompant ou cherchant à infléchir la ligne Papadopoulos.

Cette politique devrait en fait montrer très nettement aux Chyprogrecs qu’ils sont confrontés à deux possibilités.

- La première consiste à négocier les dispositions secondaires du plan Annan et à accepter une République fédérée de Chypre à deux sociétés et deux zones.

- La seconde, quant à elle, s’ils ne souhaitent pas, au final, vivre dans un tel Etat avec les Chyproturcs, consisterait à négocier avec eux un accord de partition.

Il doit être dit à l’administration chyprogrecque qu’une troisième voie, c’est-à-dire une voie, « européenne » et plus profitable aux intérêts grecs n’est pas réaliste.
Depuis 1963, les politiques nationalistes sur l’île mènent tout droit à la partition. Une telle conclusion ne servirait assurément pas les intérêts des peuples de Chypre, de Grèce et de Turquie qui aspirent à vivre en paix, dans la prospérité et la justice au sein de l’UE.
La nomination de Dora Bakoyannis au poste de ministre des Affaires étrangères en Grèce peut être considérée comme une grande occasion de ne pas manquer les chances d’une solution dans l’imbroglio chypriote.

© Radikal, le 18/02/2006

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