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Turquie : l’extrême-droite, grande perdante du référendum

mercredi 15 septembre 2010, par Ahmet Insel

58 % des électeurs turcs ont approuvé par référendum, dimanche dernier, un paquet de réformes constitutionnelles : c’est une large et sereine décision de la société turque.

On peut parler d’acceptation sereine parce que ce vote n’est pas tout à fait un plébiscite en faveur du parti au pouvoir, l’AKP (parti de la Justice et du Développement, islamo-conservateur), mais relève plutôt d’un délicat mélange de soutien aux réformes et de confiance accordée à ce parti. Elle est l’expression nette d’une demande de transformation démocratique portée par la société.

Et en cela, il est particulièrement significatif que le grand perdant de ce référendum ne soit autre que le MHP, le parti d’extrême-droite nationaliste. Le leader de ce parti, Devlet Bahçeli, avait axé sa campagne sur la condamnation la plus virulente qui soit de l’idée d’ouverture démocratique sur la question kurde : le fait qu’il ait essuyé la plus cinglante des défaites, souligne combien la société turque se trouve aujourd’hui encline à rechercher une solution à la question kurde sur la base d’une reconnaissance des identités culturelles. A ce titre, ce résultat marque une étape importante.

Le fait également que dans les départements du sud-est de la Turquie, traditionnellement liés au parti pro-kurde, le BDP (parti pour la Paix et la Démocratie) qui a appelé au boycott du référendum, la participation soit restée inférieure à 40% est significatif et pertinent. Ce résultat souligne encore une fois qu’il est absolument nécessaire, dans le cadre de la recherche d’une solution, de prendre comme interlocuteurs les représentants de cet électorat soutenant des politiques fondées sur une identité kurde. Tout le monde doit prendre conscience de ce que l’alternative au boycott demandé par le BDP aurait été un oui encore plus large.

Que le CHP (parti républicain du peuple, gauche kémaliste) reçoive certains dividendes des timides ouvertures exprimées par son nouveau secrétaire général, que ce parti se sorte de l’épreuve à moindre frais voire, toutes choses égales par ailleurs, en remportant une sorte de succès, nous dégage, à moyen-terme, d’importantes marges de manœuvres.

Une lueur d’espoir pour l’avenir a tout de même brillé sous la poussière qu’ont soulevée les piteux débats de la campagne. Les différents acteurs de la scène politique ont presque tous reconnu l’importance et l’urgence de modifier en profondeur la constitution de 1982. Si l’on n’oublie pas ces paroles, alors le thème principal des prochaines élections législatives risque bien d’être celui de la loi fondamentale d’un nouveau régime.

Un AKP débarrassé de l’hypothèque ultra-nationaliste du MHP et un CHP plus conscient et confiant dans le fait qu’une attitude plus audacieuse sur le front de la démocratisation ne peut que lui amener un électorat plus large peuvent, moyennant une saine concurrence dans ce domaine constitutionnel, être à l’origine d’une nouvelle dynamique démocratique.

C’est finalement une véritable satisfaction de constater que le vrai perdant de ce vote est le nationalisme butor et agressif. Cette situation est d’autant plus réjouissante qu’elle invite à la méditation tous ceux qui rêvaient d’une coalition CHP-MHP.

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