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Origines et enracinement du nationalisme en Turquie (6)

mardi 29 mai 2007, par Philippe Couanon

Purification ethnique, xénophobie, haine raciale, exaltation antisémite ou islamophobique, discrimination et exclusion, croix gammées ou cris de singes dans les stades… autant d’expressions malsaines que l’on espérait enterrées aux oubliettes de l’Histoire aux cotés des Hitler, Mussolini, Monseigneur Tiso ou Ante Pavelic. Et bien non ! Elles refleurissent aux quatre coins de l’Europe et d’ailleurs dissimulées derrières des déclarations pseudo-patriotiques, identitaires ou sécuritaires. Philippe Couanon se penche en détails sur les origines et les évolutions de cette question nationaliste qui pèse tant aujourd’hui sur le présent et l’avenir de la Turquie.

- Suite de l’article N°5

3/ Turquifier, Moderniser, Occidentaliser

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Ces trois objectifs, de prime abord contradictoires, vont devenir le leitmotiv de la politique de Mustafa Kemal pour asseoir solidement l’Etat et la république qu’il a créés et les ancrer dans le XXe siècle.

Mais, avant de pouvoir concrétiser ce programme, il faut sauvegarder l’état-nation en gestation et l’installer dans ses frontières naturelles. C’est à cette tâche qu’il va s’atteler dès son arrivée en Anatolie et elle restera son obsession prioritaire jusqu’à la signature du Traité de Lausanne en juillet 1923. Cette période connue aujourd’hui sous le vocable de « Guerre d’indépendance » s’apparente davantage à une guerre de libération nationale.

En 1919, la situation apparaît désespérée face aux appétits des vainqueurs comme des Kurdes et des Arméniens et le Traité de Sèvres ne laisse à la Turquie que la partie Nord Est de l’Anatolie ; la résistance militaire et politique organisée par Kemal, avec des forces essentiellement anatoliennes (Turcs, Kurdes et circassiens) consistera à repousser les envahisseurs au-delà des limites ethniques fixées par le Pacte National.

Les adversaires désignés sont principalement les Grecs qui seront chassés après les deux batailles d’Inönü, celle de la Sakarya et la prise de Smyrne ; les Italiens se retireront d’eux-mêmes d’Anatolie ; les Français, quant à eux, conscients de leurs faiblesses, renonceront à récupérer la Cilicie et se contenteront du Sandjak d’Alexandrette… momentanément car Mustafa Kemal n’aura de cesse de les en chasser, ce qui sera fait à la veille de la seconde Guerre mondiale.

A l’Est, le rapprochement de raison ponctué par des accords négociés avec la Russie rouge, lui permettra de récupérer des districts occupés par les armées tsaristes et surtout d’enterrer définitivement le projet de Grande Arménie, les Arméniens étant, en outre, lâchés par les alliés.
Les acquis du terrain sont confirmés à la table des négociations lors du Traité de Lausanne qui entérine les frontières naturelles de la future république de Turquie (26), désormais état-nation reconnu et de nouveau crédible ; en outre, les diplomates lui restituent la souveraineté entière sur Istanbul et les détroits (mais qui restent démilitarisés).

Seule ombre au tableau, Mustafa Kemal n’est pas parvenu à fléchir les Anglais sur les districts mésopotamiens de Kirkuk et Mossoul qui rejoignent le protectorat britannique d’Irak ; la promesse d’un Kurdistan indépendant passe aux oubliettes de l’Histoire et, pire encore, l’espace kurde se retrouve éclaté entre plusieurs Etats ou futurs Etats.

Mustafa Kemal a (presque) gagné et cette victoire ne tient qu’aux efforts et au courage des Turcs (et « assimilés ») eux-mêmes. Ce constat assure un prestige nouveau à ce peuple longtemps méprisé et décrié, qui renforce les convictions nationalistes insufflées par le leader et instaure l’idée que les Turcs sont les seuls garants de leur sécurité et de la survie future de leur nation et de leur Etat ; ils en sont les uniques acteurs, les maîtres et les défenseurs et ont su triompher des ennemis coalisés et acharnés à leur perte. Ce sentiment de fierté teintée de paranoïa ne disparaîtra jamais des esprits ; le slogan « Il n’est pas au Turc d’autre ami que lui-même » reflète cette disposition mentale et psychologique du citoyen turc lambda devenue récurrente (27).

Parmi les prémices de ce nationalisme institutionnalisé et légitimé, la question de l’Anatolie orientale, telle qu’elle a été posée par Mustafa Kemal, annonce une constance inébranlable. Dans son esprit, l’Arménie historique, à l’exception des secteurs inclus dans l’URSS, font partie intégrante de l’espace turc ; or, au XIXe siècle, ces régions étaient qualifiées de « provinces arméniennes de l’Empire Ottoman » ; de peuplement cosmopolite à majorité chrétienne, elles sont devenues essentiellement turco-musulmanes par les évènements de 1915 et le Gazi pratique la politique du fait accompli, sans référence au passé ce qui est typique des modes de pensée nationalistes, provoque une réaction nationaliste de frustration chez les Arméniens et fonde un siècle d’hostilité entre les deux peuples (28).

Concernant le Kurdistan (29), les revendications territoriales de Mustafa Kemal durant la guerre d’indépendance, l’incluent à l’espace turc dans sa quasi-totalité (Kurdistan turc, syrien et irakien actuel). En agissant de la sorte il assimile l’ensemble des Kurdes aux Turco-anatoliens et inaugure la politique de négation des spécificités culturelles, ethniques et linguistiques (voire religieuses) des Kurdes qui s’est maintenue jusqu’à ces dernières années. L’assimilation voulue des Kurdes repose sur l’objectif de « turquification » scandé par Atatürk, un terme qui n’a jamais levé l’ambiguïté entre « citoyens de Turquie » en référence au peuplement pluriethnique de l’Anatolie et « citoyens turcs » qui renvoie à la notion de « turcité » (30).

Turquifier sous entend homogénéiser le peuplement de l’espace national par le gommage des particularismes qui concernent autant les cultures que les croyances, à l’instar de la négation de l’alévisme ; turquifier c’est aussi favoriser l’homogénéisation ethnique par l’expulsion ou le déplacement de populations ; nous ne reviendrons pas sur les départs volontaires ou non des chrétiens de l’Empire ni sur les installations massives de réfugiés musulmans mais signalons la volonté constante, qui s’est poursuivie bien après la mort du Gazi, d’un « brassage ethnique » destiné à limiter la surconcentration démographique kurde dans le Sud Est anatolien par des transferts imposés vers d’autres parties du pays et l’implantation de colons turcs à leur place. Ceci dit, la Turquie n’a pas l’exclusivité de ces pratiques et les déplacements forcés de populations gênantes sont monnaie courante tout au long du XXe siècle. Personne ne s’est offusqué, en 1945, de l’expulsion de millions d’Allemands de Russie, de Pologne et de Tchécoslovaquie ; la méthode fut également appliquée par Staline pour punir les « peuples collaborateurs » et elle a été réactualisée par Milosevic, à coups de canon, puis suggérée à haute voix par l’ONU et l’OTAN pour régler les questions bosniaque et kosovare… La Chine est aussi spécialiste du genre pour « noyer » ses minorités sous une marée han ! Concernant la Turquie, les flux internes imposés par le pouvoir et par l’exode rural ont modifié la répartition ethnique du pays ; aujourd’hui, les Kurdes sont plus nombreux dans les métropoles de l’Ouest et du centre que dans les provinces du Sud Est ; ce phénomène a pour effet d’atténuer les risques pesant sur l’unité territoriale en substituant petit à petit des revendications de reconnaissance culturelles aux ambitions séparatistes (31).

Anatoliser

Dans un autre registre, turquifier sous entend aussi anatoliser, c’est-à-dire privilégier le cœur turc, le foyer de la nation, au détriment de la Thrace orientale et d’Istanbul trop cosmopolites et trop marquées du sceau ottoman. C’est ainsi qu’Ankara fut intronisée comme pôle politique de l’état-nation en remplacement de la capitale de l’empire supranational, concrétisant le recentrage anatolien.

Pour confirmer la primauté anatolienne, Atatürk s’essaya à une réécriture de l’histoire de l’Asie mineure destinée à faire du plateau anatolien l’un des berceaux originels du peuple turc, bien antérieur à l’arrivée des Seldjoukides… et même à celle des Grecs, des Romains et des Chrétiens. Pour cela, il initia une commission d’historiens turcs présidée par sa fille adoptive, qui tenta de démontrer la parenté entre les Turcs modernes et les Hittites, Sumériens et autres civilisations protohistoriques de l’Anatolie et du Moyen Orient ; ces investigations douteuses furent complétées par l’élaboration de la délirante théorie de la « Langue soleil » qui faisait du turc, la langue à l’origine de tous les groupes linguistiques (32). Devant le faible crédit rencontré dans la communauté scientifique mondiale, l’opération de falsification historique tourna court mais elle est emblématique d’une volonté nationaliste irrédentiste de légitimation par l’histoire, destinée à prouver une occupation nationale antérieure aux autres composantes ethniques et donc à affirmer le droit des Turcs à revendiquer la primauté sur ces terres ; cette démarche est aussi symbolique de l’évolution idéologique de Mustafa Kemal de la turquicité vers le concept de turcité (33).

Peut on dès lors en conclure que Kemal Atatürk était raciste et xénophobe comme se plaisent à l’affirmer nombre d’adversaires du pays, en particulier dans la diaspora arménienne, arguant de sa propension à la discrimination des minorités, souvent victimes d’une répression brutale et massive ?

La réalité s’avère bien plus complexe. Rien, en effet, dans ses discours et ses déclarations ne vient étayer cette thèse. Le fait d’affirmer la grandeur de la nation turque pour stimuler sa fierté n’implique pas explicitement un dénigrement des autres peuples. D’une manière générale, concernant les premières décennies de la république, associer nationalisme turquiste à racisme paraît erroné dans la mesure où « racisme » signifie infériorisation d’un peuple dans sa globalité ; bien sûr, ce sentiment existe chez certaines individualités mais dans l’esprit d’Atatürk comme des idéologues du turquisme (34), les Arméniens, les Grecs, les Kurdes… ne sont pas des peuples inférieurs mais des obstacles qu’il faut combattre s’ils portent atteinte à l’unité nationale ou à l’intégrité territoriale turque . Ils sont donc des adversaires ou des concurrents.

Plus tard, la confrontation des nationalismes qui se disputent les mêmes espaces fera naître des ressentiments générateurs de haines à connotation raciste, mais il convient de ne pas généraliser le phénomène. De même, Mustafa Kemal admire sincèrement les peuples occidentaux, surtout les Français, ce qui tend à infirmer l’accusation de xénophobie ; il en attend, par contre, qu’ils ne s’immiscent pas dans les affaires intérieures de la Turquie, ce qui correspond plutôt à la volonté patriotique d’affirmer l’indépendance nationale ; il en va de même à l’encontre des « minorités nationales » qu’il respecte tant qu’elles respectent ce qu’il considère comme l’intérêt national.

La répression, bien réelle, qui s’abattit à plusieurs reprises sur les minorités ne leur fut toutefois pas exclusivement réservée. L’écrasement des révoltes kurdes répond à différentes motivations ; elle vise d’abord à annihiler une opposition résolue à l’assimilation, à étouffer des aspirations autonomistes qui menace l’intégrité territoriale, à mater la contestation traditionaliste à sa volonté d’imposer la laïcisation de la société et enfin à casser l’organisation clanique et féodale qui prévalait dans les provinces kurdes et menaçait l’omnipotence de l’état (35).

Les massacres des Arméniens de Cilicie, accusés de vouloir créer un foyer indépendant relève à peu près de la même logique de défense de l’unité nationale que ces agissements menacent de compromettre. De plus, Atatürk y voit, sans doute avec quelques raisons, la main des puissances étrangères qui cherchent à déstabiliser son régime : française au bénéfice des Arméniens de Cilicie (36), britannique (37) et russe (38) en faveur des Kurdes. Bien entendu, il ne s’agit pas d’excuser ces brutalités (ça n’est pas le rôle de l’historien) mais de les comprendre dans l’optique nationaliste d’Atatürk.

A l’inverse, nombre de turco-musulmans ont subi des violences ou ont payé de leur vie de s’être mis en travers du chemin tracé par le Gazi, surtout lorsqu’il jugeait que cela portait atteinte à l’Etat ou à la nation.

Ainsi, expédia t-il à l’échafaud certains de ses anciens compagnons de lutte, accusés de trahison envers la république (ou envers lui-même), lors du complot des Pachas, comme Cavit ou le colonel Arif, pendus en 1926. Le même sort attendait les opposants à la « réforme du chapeau » et la terrible répression qui suivit l’émeute de Menemen (1930) toucha exclusivement des sunnites turcs (39).

A l’évidence, le régime kémalien présentait des tendances autoritaires… ce qui n’a rien d’exceptionnel dans l’entre-deux-guerres où l’autoritarisme répressif étatique est presque la norme comme sont omniprésentes les idéologies nationalistes et fascisantes, y compris dans les pays qui parviennent à sauvegarder leur démocratie. En France, la montée des Ligues d’extrême droite et le succès populaire du PPF de Doriot sont l’illustration que ces modes de pensée sont largement répandus. En Turquie, outre la personnalisation autocratique du pouvoir qui explique le recours à des méthodes de répression brutale, ces pratiques étaient légitimées par la volonté d’Atatürk d’imposer une modernisation sur le modèle occidental, et donc étranger, à une société très traditionnelle que les atteintes portées au dogme musulman choquaient et à une population, souvent inculte, qui n’était pas préparée à de tels bouleversements. La transformation radicale des mentalités et des habitudes ne pouvait être imposée qu’ « en force » et ne souffrir d’aucune contestation ; la question de la nature profonde du kémalisme peut être posée ; l’affirmation d’un désir réel de démocratie chez Atatürk est crédible, mais sa volonté de promouvoir la modernisation accélérée d’une société turque sans maturité démocratique, justifia une phase transitoire de dictature destinée à conforter les réformes et permettre une transition progressive vers la démocratie (40). La violence étatique apparaît donc conjoncturelle et ne repose pas que sur des fondements nationalistes et assimilateurs, même si ces motivations ont influé sur la politique menée à l’encontre des minorités nationales.

Quelle modernisation ?

« Turquifier, moderniser, occidentaliser », le slogan préféré d’Atatürk est inspiré des théories de l’idéologue nationaliste Gökalp, mais la laïcisation s’est substituée à l’islamisation. A priori, la modernisation sur le modèle occidental, couplée à une remise en cause de l’omniprésence de l’Islam dans la sphère publique, paraît incompatible avec l’orientation nationaliste suggérée par « turquifier » qui induit un rejet des valeurs étrangères et même ottomanes. En fait, le kémalisme reposait sur cette dualité : adopter des techniques et des principes de l’Ouest européen tout en insistant sur la prééminence de la culture turque et en préservant des spécificités qui sont glorifiées ; en ce sens, la pensée kemalienne révèle son aspect visionnaire qui place la Turquie en situation de pont entre l’Occident et l’Orient, par l’adaptation du modernisme des puissances européenne à la réalité turque. Il est hors de propos d’inventorier ici l’ensemble des réformes d’Atatürk, mais on peut en distinguer quatre qui sont emblématiques de ce mélange des genres et illustrent le nationalisme kémalien sous jacent.

La première est assez anecdotique et s’inscrit dans la décision d’obliger les Turcs à adopter un patronyme, selon le principe occidental du nom de famille… avec interdiction des noms à consonance étrangère. Mustafa Kemal se verra attribuer celui « d’Atatürk » (« le Turc père ») qui contribue à son culte de la personnalité et il fera disparaître le prénom « Mustafa », trop marqué du sceau de l’arabisme.

La seconde réforme concerne l’organisation d’un système scolaire moderne, très inspiré des écoles européennes. Le lycée francophone de Galatasaray, fondé sous Napoléon III et qui formait déjà les cadres du régime ottoman avait montré la voie de l’excellence pédagogique de l’enseignement européen ; mais il ne s’agissait plus pour le Gazi de privilégier l’élite mais d’instruire les masses illettrées d’Anatolie pour élever le niveau intellectuel général et former les serviteurs de la République et de la nation ; l’objectif reprend textuellement les motivations des lois de Jules Ferry. De plus, l’école deviendra le cœur de l’éducation nationaliste de la population ; c’est sur ses bancs que se façonnera l’esprit des enfants pour leur inculquer l’amour de la patrie, la fierté d’être turc et la nécessité de défendre la nation contre ses multiples ennemis… au vu des dispositions mentales observées aujourd’hui, c’est un succès !

Troisième exemple significatif : la turquisation de la langue écrite et orale. Par l’adoption des caractères latins, on inscrit le turc dans la sphère linguistique occidentale mais en épurant le vocabulaire des termes arabisants, on l’expurge des influences étrangères et on en facilite l’accès aux populations analphabètes d’Anatolie qui se reconnaissent mieux dans cette langue plus proche de leurs dialectes ; en outre, elle devient l’outil de communication unificateur et obligatoire qui nie le droit à l’existence des autres idiomes (kurde…).

Enfin, retenons la laïcisation de la société qui fut d’abord un moyen d’affaiblir l’emprise des religieux sur le peuple et les institutions. Atatürk s’est il souvenu des mesures anticléricales de la Révolution Française ? Sans doute, car sa référence est bien plus proche de 1789 que de 1905 ! Sa laïcité est d’inspiration européenne mais elle conserve une spécificité turque ; d’abord parce qu’elle est appliquée en terre d’Islam, mais surtout parce qu’elle se traduit par un contrôle étatique strict sur le religieux et non par une séparation église / état à la française ; sur ce plan, la laïcité kémalienne se rapproche davantage des systèmes allemands ou suédois (41). Il s’agit essentiellement de fonctionnariser le fait religieux et d’assujettir sa hiérarchie au pouvoir étatique tout en préservant l’omniprésence des croyances et des pratiques, désormais confinées à la sphère privée ; en outre, la laïcité de Kemal Atatürk impose la prééminence du sunnisme hanéfite par la négation ou l’interdiction des autres observances musulmanes (confréries, alévisme…) (42). On retrouve là, la volonté d’affirmer l’unicité nationaliste et de lutter contre les facteurs susceptible d’y porter atteinte.

Dans chacun de ces exemples, s’affichent le nationalisme turquiste et la valorisation des spécificités nationales et de la turcité qui engendrent la négation ou l’étouffement des particularismes minoritaires ; mais cette orientation délibérée et constante dans les réformes kémalienne est associée systématiquement à une volonté de moderniser le pays en adaptant le modèle occidental, référence incontournable pour Atatürk (43). On peut en conclure que le turquisme constitue le fondement idéologique de la politique réformiste et modernisatrice kémalienne ; les emprunts étrangers ne sont qu’un outil nécessaire au service de la grandeur de l’état-nation moderne avec la volonté d’inscrire solidement la République turque dans l’espace occidental tout en préservant, voire en renforçant, les spécificités culturelles turques, facteur d’unification nationale.


- Notes :

26 : ces frontières sont restées immuables jusqu’à nos jours à l’exception du Hatay (le sandjak d’Alexandrette), « récupéré » par la Turquie en Novembre 1937.

27 : « Türk’un Türkten baska dostu yok », L. Köker, op.cit. n°19

28 : La quête de la « Grande Arménie » reste très présente au sein de la diaspora arménienne, davantage qu’en République d’Arménie ; la reconnaissance de l’Holocauste au lendemain de la 2nde Guerre mondiale a ravivé l’espoir d’une « restitution territoriale » et d’une indemnisation financière des spoliations ; ces perspectives justifient l’insistance à réclamer la qualification en « génocide » des évènements de 1915 ce qui placerait les victimes arméniennes sur un pied d’égalité avec les Juifs et légitimerait leurs revendications. (Informations fournies par M. Baskin Oran)

29 : Sur le sujet, voir en priorité : H. Bozarslan, La question kurde. Etats et minorités au Moyen Orient, Presses de Sciences-po, Paris, 1997

30 : L. Köker, op.cit. n° 19

31 : St. Yerasimos, Un état qui bannit les différences, op.cit. n° 10, p. 93

32 : H. Bozarslan, Histoire de la Turquie contemporaine, op.cit. p. 37

33 : Dans cette étude nous utilisons le terme « turcité » pour désigner la conception mentale qui considère l’ethnie turque comme nation exclusive de l’Anatolie, à la différence de la « turquicité » qui fait référence à la pluriethnicité de la communauté musulmane de Turquie. Le « turquisme » est l’idéologie qui se propose d’appliquer politiquement ces théories ; l’ambiguïté jamais levée qui entoure ces deux concepts fait du turquisme un amalgame qui puise son inspiration dans les deux théories.

34 : cf. note n° 6

35 : Sur la révolte de 1925 du cheikh Saïd, voir : Y. Ternon, op.cit. n°18, p. 434

36 : id, p. 415

37 : id, pp. 434-436

38 : A. Jevakhoff, Mustafa Kemal et le kémalisme, in S. Vaner, la Turquie, op.cit. p.77 qui cite les travaux de T. Mouzaieff sur l’activisme des services secrets soviétiques aidés par le parti dachnak auprès des Kurdes dans les années 20 (T. Mouzaieff, Des partisans sous contrôle, le terrorisme kurde a été engendré par les services secrets russes, La pensée russe,
n° 4262, 18-24/03/1999, p.9)

39 : Th. Zarcone, op.cit. n° 23, pp. 75-76

40 : J. Marcou, le mouvement constitutionnel, in S. Vaner, op.cit. p. 100

41 : Th. Zarcone, La Turquie moderne et l’Islam, Flammarion, 2004, pp. 137-139

42 : id. pp. 139-142

43 : Cette occidentalisation voulue est qualifiée de « contemporanéisation » par Z. Gökalp. cf. H. Bozarslan, Histoire de la Turquie contemporaine, op.cit. p. 17

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