Le Rassemblement des Associations Citoyennes des Originaires de Turquie (RACORT) regrette que les souffrances du peuple arménien soient instrumentalisées sans aucun scrupule à des fins électorales.
Nous souhaitons exprimer nos inquiétudes concernant la communautarisation de l’espace politique à la veille des élections, ce qui ne fera que renforcer les mouvements nationalistes.
Nous pensons qu’en premier lieu, ce sont les Arméniens et les Turcs qui devraient conjointement et ensemble mener ce travail nécessaire concernant la tragédie de 1915.
Nous pensons que la Turquie, comme la plupart des États-nations, a aussi la responsabilité d’affronter son passé et de l’assumer. D’ailleurs, ce travail est fondamentalement lié au processus de démocratisation en Turquie.
Depuis plusieurs années, notamment dans le cadre du processus d’adhésion à l’Union Européenne, la Turquie a entamé un certain nombre de réformes démocratiques, certes pour l’instant, loin d’être suffisantes. Ainsi de nombreux sujets, qui étaient tabous jusqu’à nos jours, sont désormais sujets à des débats publics. La question arménienne en fait partie.
Grâce aux travaux des intellectuels et des démocrates de Turquie, nous observons une réelle volonté de l’opinion publique turque pour mieux comprendre les événements de 1915 et, de ce fait affronter les responsabilités historiques. Les démocrates de Turquie, qu’ils soient en Turquie ou ailleurs, travaillent pour accélérer ce processus en prenant souvent d’importants risques, car la Turquie n’a malheureusement pas totalement instauré la protection et le respect de la liberté intellectuelle et politique et au contraire, nous assistons, actuellement, à des atteintes à la liberté d’’expression et de la presse de plus en plus virulentes.
Malgré cette réalité, nous pensons que l’opinion publique en Turquie est plus que jamais disposée à reconnaitre les souffrances des autres comme ses propres souffrances.
Dans ce sens et depuis sa création, le RACORT a toujours partagé la souffrance de nos frères arméniens. Parfois, en prenant des risques dans un contexte plutôt défavorable et en insistant pour qu’il y ait un dialogue entre les citoyens français d’origine arménienne et turque. A travers de nombreuses initiatives, nous avons essayé de discuter sur ce qui s’était réellement passé en 1915, d’entendre et de comprendre les arguments des uns et des autres. Une telle démarche ne peut que contribuer à accepter un passé, une mémoire collective, en France, en Turquie, comme ailleurs.
C’est pourquoi le projet de loi voté au Parlement français enfreint la liberté d’expression et met à mal les principes démocratiques en légiférant sur un événement historique. Mais surtout, cette loi n’apaisera ni la souffrance de nos frères arméniens, ni ne contribuera à l’avancement du travail de mémoire chez les originaires de Turquie en France et en Turquie.
Les seules conséquences de cette loi, directement liée à la période d’élections présidentielles en France, seraient un sabotage cruel des efforts des démocrates d’origine turque et arménienne, qui expriment leur désir de coexistence solidaire en partageant les souffrances de leur histoire commune et en faisant face au développement du nationalisme de chaque côté. Ainsi, introduire dans le débat politique un tel projet de loi avant les élections ne ferait qu’accentuer le communautarisme, le nationalisme, et surtout le discours essentialiste.
Le RACORT espère qu’un sujet si délicat, qui concerne non seulement le passé et le présent de la Turquie, mais aussi son avenir, ne soit pas sacrifié à des calculs électoraux de manière irresponsable. Nous déclarons également que nous continuerons à travailler de toutes nos forces pour développer en France le dialogue et la solidarité avec nos frères d’origine arménienne pour un meilleur avenir et la construction de projets collectifs !
RACORT
Rassemblement des Associations Citoyennes des Originaires de Turquie
Paris, le 17 janvier 2012
Contacts :
L’ACORT Tel : 01 42 01 12 60 - Fax : 01 42 01 02 86 - E-mail : acort@acort.org - www.acort.org
ASTU Tel : 03 88 32 98 32 - Fax 03 88 32 42 72 - E-mail : astu@astu.fr www.astu.fr