Lettre aux Ministres des Affaires Etrangères des pays membres de l’Union Européenne
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Nous apprenons avec consternation que le Conseil Européen risque d’ajourner mercredi prochain les négociations, prévues de longue date, du chapitre concernant la Politique régionale.
Face à la réaction du gouvernement turc et à la brutalité de la répression envers les manifestants pacifiques du parc Gezi et ceux à l’échelle du pays, certains gouvernements de pays membres de l’Union ont jugé que la situation appelait une mesure de sanction. Nous pensons que la sanction choisie est une erreur de jugement.
C’est bien parce que la justice n’est pas respectée, dans le pays, qu’il faut tout faire pour créer des conditions qui la favorisent. Or la justice a précisément reculé à partir du moment où les travaux d’adhésion à l’Union ont reculé. Les acquis démocratiques conquis entre 2002 et 2005, durant la période de préparation active à l’adhésion se sont érodés au fur et à mesure que le processus s’érodait. Nous savons que la cause des quatre morts et des quelques milliers de blessés causés par la répression ne sera pas défendue devant les tribunaux. Nous n’avons aucune illusion de justice pour les multiples procès qui s’annoncent. Il n’en est que plus urgent de ne pas confondre la sanction d’un gouvernement avec la sanction des droits des citoyens.
Le chapitre 22 portant sur la Politique régionale et coordination des instruments structurels est le premier chapitre qui devait être ouvert aux négociations depuis juin 2010. De par son contenu, ce chapitre est d’une importance vitale pour la résolution pacifique du conflit kurde et pour l’adoption de règles décentralisatrices dont l’administration turque a grand besoin. A cet égard, on ne peut pas omettre le lien évident entre la bataille citoyenne pour la sauvegarde écologique et culturelle d’un quartier et la centralisation abusive du pouvoir dont souffre le pays.
Nous appelons les membres du Conseil à ne pas entraver le mouvement populaire de démocratisation en gelant des négociations, au prétexte de punir les autorités. Nous les appelons à ne pas aliéner ce grand sursaut de la jeunesse, cette dynamique pleine de vie et d’aspirations, en totale harmonie avec les revendications démocratiques européennes.
Respectueusement à vous,
Le vendredi 21 juin 2013
- Nebahat Akkoç (KAMER-Women’s Center)
- Cengiz Aktar (Professor of Political Science)
- Hakan Altınay (Open Society Foundation)
- Selçuk Demirel (Drawer)
- Alev Ebuzziya (Ceramic Artist)
- Ayşe Erkmen (Artist)
- Korhan Gümüş (Architect, Taksim Platform)
- Gülsün Karamustafa (Painter)
- Osman Kavala (Anadolu Kültür)
- Ahmet İnsel (Professor of Economics)
- Necdet İpekyüz (Diyarbakır Institute)
- Ayşe Kadıoğlu (Professor of Political Science)
- Fuat Keyman (Professor of Political Science)
- Yörük Kurtalan (Youth activist)
- Elif Şafak (Writer)
- Baskın Oran (Professor of Political Science)
- Soli Özel (Professor of Political Science)
- Ferzan Özpetek (Film director)
- Betül Tanbay (Professor of Mathematics, Taksim Platform)
- Sinan Ülgen (EDAM)