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Sarkozy : « Mon choix est clair : la Turquie n’a pas vocation à entrer dans l’Union Européenne »

samedi 5 mai 2012, par Reynald Beaufort

On nous reproche ces derniers temps de prendre parti, disons de pencher un peu trop nettement, pour l’un des deux candidats à ces élections présidentielles.

Nicolas Sarkozy vient de nous enlever définitivement toute hésitation et tout scrupule à appeler à voter François Hollande. Dans sa profession de foi du deuxième tour figure en gras : « la Turquie n’a pas vocation à entrer dans l’Union Européenne ».

Il ne dit pas que la Turquie ne réunit pas les conditions pour adhérer, il dit qu’elle n’a rien à y faire, ce qui est pour nous totalement rédhibitoire.

Mais ce n’est pas tout. Dans les leitmotivs figurant en gras dans ce document, se trouvent les mots « Travail, famille, Etat »... Je n’ai pas besoin de commenter. De surcroît, le mot « État » n’est pas associé à la protection des plus faibles ou démunis, mais à l’ « autorité ». Les prestations sociales sont immédiatement liées au soupçon d’ « abus » de la part d’ « assistés ».

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Nicolas Sarkozy candidat de l’exclusion

Après n’avoir rien fait pendant 5 ans pour limiter les abus de biens sociaux et autres parachutes dorés de ses amis, il annonce, dans cette profession de foi, qu’il a l’intention de légiférer - s’il est réélu - demain on rase gratis ! Que n’a t-il pas commencé par appliquer à lui-même l’austérité qu’il veut imposer à tous. Pourquoi ne pas renoncer à ses déplacements dans ce ridicule et prétentieux avion présidentiel réservé à son seul usage, pourquoi ces dépenses somptuaires à l’Élysée ? Pourquoi avoir voulu dès son arrivée mettre ses indemnités de fonction à la hauteur de celles du président des États-Unis ? Pourquoi cet étalage arrogant et vulgaire de signes extérieurs de richesse matérielle, cette mise en avant de l’avoir au détriment de l’être ? Qu’a t-il de différent de ces caciques de l’AKP, caricatures de nouveaux riches qui exhibent aux yeux de tous leur nouvelle prise de pouvoir, eux-aussi avec des Rolex et des colliers en or massif ? Que peut-on attendre d’un président qui ne conçoit la culture qu’à travers son aspect sonnant et trébuchant et qui veut contrôler et même rendre payants les échanges sur Internet ? Il ne s’agit plus d’exception culturelle, mais de permettre à ses amis des majors de continuer à se remplir honteusement les poches au détriment de la grande majorité des créateurs. Qu’attendre d’un président qui se vante de ne jamais ouvrir un livre et qui parle comme un boutiquier ?

Ailleurs l’école est évoquée comme, je cite, « un espace d’autorité, d’exigence de respect et de mérite ». Ah ? Pas d’éducation ni de formation à l’autonomie ni d’incitation à la curiosité ? Son modèle, l’école de papy, l’époque des chers têtes blondes, celle où on apprenait les noms des sous préfectures par cœur et l’on allait travailler dès le certificat d’études obtenu. Chacun restait alors à sa place. Les ambitions annoncées : que les enfants sachent lire, écrire et compter et « il faut lutter contre le trafic de drogue à la sortie des écoles »(sic !). Il n’a pas ajouté s’ « exprimer correctement en français » car sa prestation de mercredi soir l’aurait rendu assez peu crédible !

Il est difficile de faire croire que l’école puisse devenir plus performante en réduisant sans cesse ses moyens humains, sauf à réduire le nombre d’élèves ou à privatiser l’enseignement, afin que les élèves quittent en masse l’école publique. Rien sur la suite des cursus scolaires, hormis ce qu’on a pu entendre sur la possibilité de mettre les jeunes en apprentissage dès 14 ans et la soi-disant « autonomie des universités » qui ne vise qu’à aboutir un système élitiste et mercantile à l’anglo-saxonne.

Beaucoup d’universitaires nous font l’honneur de leur confiance et nous autorisent à les publier. Tous sont vent debout contre les réformes entreprises depuis 2007, contre la circulaire Guéant, contre les regroupement d’établissements. Sur ce sujet non plus, nous ne pouvons rester neutres. (Sauvons la rechercheNotre matière grise est de toutes les couleurs...)

« Je diviserai l’immigration par deux, car si les immigrés sont trop nombreux, ils ne peuvent pas s’intégrer ». Surtout si on ne cesse de les stigmatiser et si on fait en sorte que tous les travailleurs de terrain et les associations qui s’occupent d’intégration soient privés de moyens. Pour ne citer qu’elle, Elele, une association amie, qui œuvrait depuis des années pour que les immigrés turcs, mais aussi d’autres origines, trouvent leur place dans la société française, a été contrainte de fermer et de licencier 8 salariés permanents très impliqués, car on lui a demandé de produire des résultats à court terme et supprimé ses subventions de fonctionnement. Les exemples d’ONG étranglées par une exigence de gestion purement comptable sont légions et je pourrais vous donner une liste qui est à la mesure d’un gouvernement qui n’a abordé la question de l’immigration que sous ses aspects négatifs et des coûts à court terme.

Sans cesse, cette profession de foi montre du doigt les « autres » et flatte la peur chez l’électeur. Le danger vient, bien sûr, de ces « autres », les étrangers de l’extérieur et ceux de l’intérieur. Cela ne vous rappelle rien ? Oui, exactement les dérives du nationalisme turc que nous dénonçons régulièrement dans nos colonnes !

Nous nous sommes inscrits dans le projet d’une Europe ambitieuse ayant une vision stratégique à long terme, une Europe sociale et fraternelle qui conserve l’objectif d’être un espace de paix et de prospérité de plus en plus vaste. Que serions-nous si nous ne nous élevions pas contre cette politique de retraités rentiers ayant peur du monde entier et de leur propres enfants ?

Ce pays avait des valeurs reconnues et enviées par une bonne partie du monde : « Liberté, Égalité, Fraternité » mais aussi, pays des droits de l’homme, terre d’asile, de diversité et de culture. Une erreur de casting de 5 ans a amené un « beauf » - fût-il de Neuilly-sur-Seine - à la magistrature suprême. Durant son mandat « Sécurité, Identité, Iniquité » ont commencé insidieusement à se substituer à la devise de notre république, notre modèle social est remis en question par cet admirateur avoué des républicains américains, qui perçoit les gens en difficulté comme des parasites vivant au crochets de ceux « qui travaillent vraiment » et pour qui l’État ne doit assurer qu’un service minimum de sécurité et de surveillance extérieure et intérieure pour protéger le monde des affaires.

Ce ne sont définitivement pas nos valeurs, nous ne pensons pas que « notre » France soit celle de « Napoléon et des Croisades » que la colonisation ait eu un quelconque « rôle positif », que l’ « Homme africain n’est jamais entré dans l’Histoire », que l’Europe et surtout ses valeurs ne soient jamais arrêtées au Bosphore, que le Christianisme soit la seule base fondatrice de l’Occident, qu’il y ait des « civilisations supérieures ».

Nous croyons, par contre, qu’il existe des valeurs supérieures qui ont vocation à être partagées par toutes les civilisations, lesquelles sont d’autant plus grandes qu’elles sont aptes à protéger les plus faibles et conserver ce monde dans le meilleur état possible pour les générations futures.

Alors oui, dimanche nous vous appelons à voter Hollande. Mais ne vous arrêtez surtout pas là ! Investissez-vous dans la société civile, agissez et poussez le futur gouvernement à agir. Il faut redonner à la planète entière l’image d’un pays qui se bat pour que ce monde soit plus juste. La France doit redevenir une locomotive pour les droits humains et pas un nouveau paradis pour ceux qui vivent surtout en spéculant sur le travail des autres, un pays d’exclusion où le fossé entres nantis et démunis s’accroit sans cesse.Dites non au modèle social d’Outre Atlantique. La valeur des individus ne se mesure pas à ce qu’ils gagnent ou possèdent. Le progrès qui ne profite pas à tous n’est pas le progrès, là est la vraie source de la division et des conflits M. le Président.

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