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Turquie et Europe : des fils de Heth aux Oghouzes

mardi 11 octobre 2005, par Robin Delisle

Un jour, sur les bords du fleuve Ienisseï, en Mongolie, six tribus s’assemblèrent dans une grande vallée mongole, l’Orkhon, pour former ce qui allait devenir une grande nation : la Tribu de la Flèche. Les six tribus confédérées déferlèrent alors sur le territoire des descendants des fils de Heth, plus connus sous le nom de Hittites. Les Oghouzes venaient-ils bien de Mongolie ? Une inscription chinoise du 2e siècle avant Jésus Christ mentionne l’existence d’une tribu Kazakhe appelée O-kut. Quoi qu’il en soit, la Turquie venait de naître et n’allait pas tarder à s’inviter - déjà- en Europe....

Au plus haut de la plus haute antiquité, l’Anatolie est peuplée d’une nation que les lecteurs d’Homère reconnaîtront sans hésitations : les Lyciens. Ils participent à la guerre de Troie, puisque Sarpédon, leur chef, fils de Zeus tombe sous les coups de Patrocle. Homère rapporte que Sarpédon laisse au bord du Xanthe, le fleuve, un immense trésor.
On ne s’étonne donc pas d’y retrouver quelques siècles plus tard une ville qui répond uau nom désormais célèbre de Xanthos. La ville demeurera indépendante jusqu’à sa prise et son sac par Cyrus le Perse, en 545 avant Jésus-Christ.
On ne s’étonnera pas d’apprendre que les Lyciens parlaient une langue étrange, le lycien, d’origine louvite : on trouve des traces de louvite dans le hittite. cette langue du sud de l’Anatolie a laissé des inscriptions cunéiformes datant de l’empire Hittite. Aux frontières de la Lycie, à cette époque, une autre grande nation s’épanouit, sous l’égide d’un diplomate hors-pair :
Le dernier roi des Lydiens fut un personnage bien connu, élève de Thalès de Milet : le fameux Crésus.
Un modèle de bon-sens diplomatique que cet homme, et sachant bien s’entourer : Il réussit à s’entendre simultanément avec les Grecs (il entretient d’excellentes relations avec Athènes et Sparte) , avec les Babyloniens (les rapports avec les descendants de Nabuchodonosor sont corrects) et vit en paix avec les Lyciens, solidement implantés dans leur bonne ville de Xanthe. Au sortir d’une difficile guerre civile contre son demi-frère, il est parvenu à réconcilier toutes les cités dissidentes une fois les combats achevés. Et puis...il a un financier, un authentique génie, prédécesseur des Law et Neper : un certain Gygès qui eut la brillantissime idée de faire garantir la monnaie métallique par un sceau d’état : ainsi se trouvait assuré le poids de métal précieux dans chaque pièce. Trop confiant, Crésus brisa son empire parce qu’un oracle lui avait dit que s’il entrait en guerre il détruirait une grand empire. En effet, il perdit contre Cyrus et détruisit donc le sien...
En ce temps, ceux qui vivent sur l’actuel territoire de Turquie cohabitent donc très bien et avec les voisins moyen-orientaux (Babylone est sur le territoire de l’Irak) et avec les voisins européens (alliance entre Crésus et les Grecs)...

On peut dire toutefois que la nation turque naît bien plus tard, avec les Oghouzes (ok = flèche, uz = tribu).
Les Kurdes contestent parfois ce fait en faisant valoir que les Hittites, que la Bible mentionne, étaient là les premiers. Le hittite est une langue indo-européenne, et se rattache donc à la plupart des langues parlées aujourd’hui en Europe. Or, les Mardes dont parle Hérodote sont manifestement leurs descendants, et les Kurdes se réclament des Mardes...
Mais revenons à nos Oghouzes : de pérégrinations en pérégrinations, les voilà arrivés en Transoxiane : c’est ainsi que les Grecs appelaient cette région située en Asie centrale, au-delà du fleuve Oxus (actuel Amou-Daria). Alexandre le Grand y avait apporté la culture helléne, faisant de cette région du monde un melting-pot avant la lettre puisqu’s’y trouvaient mélangées les cultures grecque, indienne et chinoise.
Leur chef fondateur, Oguz Han, eut six fils qui eurent chacun quatre fils : 24 descendants au total. En ce temps, où l’on avait encore le sens de la poésie et des éléments, chaque groupe de tribu se faisait représenter par un totem. Les trois aînés devinrent les ancêtres légendaires des tribus Bozok, et les trois cadets, ceux des tribus Üçok.
Ainsi, si Gün Han, Ay Han et Yildiz Han choisirent respectivement la buse variable, l’aigle ravisseur et l’aigle impérial, Gok Han, Dag Han et Deniz Han prirent eux le faucon gerfaut, le faucon hobereau et l’autour des palombes. Belle brochette d’oiseaux de proie !
Certaines tribus s’établirent en Perse tandis que d’autres se sédentarisaient en Anatolie. Elles allaient fonder l’Empire Ottoman, non sans avoir préalalablement réduit en miettes l’Empire Byzantin.
Un tel bond allait leur permettre de se mêler au jeu européen, au point d’arriver jusqu’aux portes de Vienne et de faire alliance avec le roi de France, François 1er au XVIe siècle.

Alors que les Oghouz descendent vers l’Anatolie, au même moment, des Anatoliens remontent eux vers le Caucase : les Khazars. Ils fondent alors un royaume qui protège un certain temps les Byzantins et leurs sujets contre une double menace : les Vikings au nord, les Arabes au sud. Curieusement, les Khazars se convertissent au judaïsme devenant ainsi la seule nation juive ayant jamais existé en dehors de l’état d’Israël. Peut-être s’étonnera-t-on moins, dans ces conditions, du partenariat qui peut unir sur certains points Israéliens et Turcs encore aujourd’hui...
Les Khazars demeurèrent très tolérants sur le plan religieux et laissèrent leurs sujets slaves pratiquer leur religion : le christianisme. Ils fondèrent sans doute Kiev en Ukraine. Ils disposaient d’une technologie évoluée, utilisaient le papier, hérité de leurs voisins chinois et frappaient leur propre monnaie.
Dans le même temps, des barbares venus du nord, les Russ, fondèrent à leur tour un royaume. A force d’incursions incessantes, ils firent tomber la puissance Khazarie . Très mauvais calcul : les Petchenègues, une autre tribu turque a désormais la voie libre. les Russ mettront deux siècles à se débarasser d’eux. Les Petchenègues s’installent finalement au XIe siècle en Thrace (tiens : ce n’est pas en Grèce, ça ?) et repoussent un autre peuple, les Magyars vers la Pannonie (territoire actuel de la Hongrie). Tandis que l’empire Khazar s’éteint doucement, brillant de ses derniers feux, les Petchénègues sont définitivement écrasés par les Byzantins, non sans avoir tenté de s’allier avec les descendants d’une des tribus de la Flèche : les Seldjoukides...

mardi 11 octobre 2005, par Robin Delisle

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