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Turquie diplomatie : Le président soudanais, Omar Hassan al-Bachir, ne viendra pas à Istanbul, pour le sommet de l’OCI.

mardi 10 novembre 2009, par Jean Marcou

Le président soudanais, Omar Hassan al-Bachir, qui a été inculpé, en mars dernier, par la Cour pénale internationale (CPI), de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité au Darfour, a renoncé à venir à Istanbul, pour participer au sommet économique de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), qui doit se tenir les 9 et 10 novembre prochains. Selon des sources soudanaises, ce sont des raisons de politiques intérieures qui justifieraient la décision d’Omar Hassan al-Bachir. Mais, eu égard aux polémiques qu’a provoquées ces derniers jours l’hypothèse de la venue du président soudanais en Turquie, on peut penser que d’autres facteurs sont entrés en ligne de compte.

Le 6 novembre dernier, dans une note diplomatique, l’Union Européenne (UE) a, en effet, demandé à la Turquie de renoncer à inviter Omar Hassan al-Bachir, pour se mettre en conformité avec la position suivie par les 27 pays-membres de l’organisation à laquelle elle est candidate. Cette requête européenne a, en outre, été l’occasion de rappeler qu’Ankara n’a toujours pas ratifié le Traité de Rome qui a permis en 2002, à la Cour Pénale Internationale de voir le jour officiellement.

La Turquie a reçu, à deux reprises, en 2008, le président soudanais, et développe désormais une politique active en direction de l’Afrique (cf. notre édition du 22 août 2008), ce qui lui a permis de gagner des soutiens précieux, lors de son élection à un siège de membre non permanent, au Conseil de sécurité, pour la période 2009-2010. Elle a critiqué le mandat d’arrêt, lancé par la CPI, à l’encontre du président soudanais, en estimant que cela ne contribuerait pas à ramener la stabilité dans le Darfour.

C’est ce qui explique que les dirigeants turcs n’aient pas masqué leur agacement à l’égard de la requête présentée par les Européens. « De quoi se mêlent-ils ? », a demandé, le 6 novembre, Abdullah Gül, en expliquant que le président soudanais était invité par l’OCI et qu’il ne venait pas participer à une réunion bilatérale. Quant à Recep Tayyip Erdoğan, il est allé beaucoup plus loin en estimant qu’il doutait qu’un génocide ait été commis au Darfour, et que « de toute façon un musulman ne pouvait commettre un génocide. »

Mais surtout, ce différend avec les Européens est intervenu au moment où la forte activité que déploie la Turquie envers le monde musulman fait dire à certains qu’elle est en train de délaisser sa traditionnelle inclination pour l’Occident, afin de se tourner vers l’Orient. Ces derniers mois, Ankara s’est fortement rapprochée de Damas (cf. nos éditions des 17 et 29 mai 2009), alors même que ses relations avec Israël se détérioraient (cf . notre édition du 16 octobre 2009). Plus récemment, Recep Tayyip Erdoğan a effectué une tournée remarquée au Pakistan et en Iran (cf. notre édition du 1er novembre 2009), tandis que son ministre des affaires étrangères de passage à Erbil déclarait que « le moment était venu pour les Arabes, les Kurdes et les Turcs de reconstruire le Moyen-Orient. » (cf. notre édition du 6 novembre 2009).

S’adressant à son groupe parlementaire, le 3 novembre dernier, Recep Tayyip Erdoğan s’est défendu d’imprimer un nouveau cours à la politique étrangère de son pays. « Cette politique n’a pas changé, elle s’est normalisée », a-t-il déclaré, avant de rappeler que son pays restait fermement « ancré dans les institutions européennes, mais qu’il était aussi membre de la Conférence islamique, la plus importante organisation musulmane du monde. »

Dans une interview au journal Le Monde, à la veille de sa venue en France, le 6 novembre 2009, le ministre turc des affaires étrangères, Ahmet Davutoğlu, a rappelé, pour sa part, que l’OTAN et la candidature à l’UE étaient « les piliers les plus forts pour la Turquie ». Mais que, dans le même temps, elle était un pays « à géographie multidimensionnelle », qui ne s’interdisait pas de s’ouvrir à l’Est, pour tirer partie de cette situation. « Pourquoi ne nous reproche-t-on pas de regarder vers l’Est quand il s’agit de l’Arménie ? Elle se trouve pourtant plus à l’Est que la Syrie », a fait mine de s’étonner Ahmet Davutoğlu, avant de déclarer : « Certains Occidentaux ont encore la vision que si nous nous rapprochons d’un pays chrétien, c’est positif, si nous nous rapprochons d’un pays musulman, c’est un changement de cap diplomatique. »

Cette politique multidimensionnelle, illustrée par la tenue de ce sommet de l’OCI à Istanbul, est néanmoins d’autant plus difficile que certains des leaders invités sont des hôtes encombrants. Outre Omar Hassan al-Bachir, en effet, la Turquie accueillera le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, qui, lui, ne s’est pas décommandé, puisqu’il est arrivé le 8 novembre au soir, dans l’ancienne capitale ottomane.

JM

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Sources

Source : Ovipot, le 09.11.09

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