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Le Sénat français fait entendre sa différence sur la candidature européenne de la Turquie.

vendredi 25 septembre 2009, par Jean Marcou

Le président du Sénat, Gérard Larcher, a effectué une visite officielle, en Turquie, du 15 au 18 septembre 2008. Il s’agissait de la première visite d’un président du Sénat français dans ce pays depuis 50 ans. Gérard Larcher était invité par le président de la Grande Assemblée Nationale, Mehmet Ali Şahin, à défaut de pouvoir l’être par le président d’un Sénat turc qui n’existe pas. Depuis la fondation de la République, en effet, la Turquie est un pays de tradition monocaméraliste. Une chambre haute a néanmoins existé sous la Deuxième République entre 1960 et 1980, comme d’ailleurs, à la fin de l’Empire ottoman, pendant les deux périodes dites de monarchie constitutionnelle. Quoiqu’il en soit, ce séjour a été l’occasion, pour celui qui est protocolairement le second personnage de la République française, de faire entendre l’approche différente qui est celle de son assemblée, quant à la candidature turque à l’Union européenne (UE).

Ce n’est pas la première fois que le Sénat se distingue pour ce qui est des affaires turques. À la fin de l’année 2006, il avait refusé de suivre l’Assemblée nationale, qui venait d’adopter une proposition de loi pénalisant la négation du génocide arménien. En 2008, lors de la révision constitutionnelle qui avait suivi l’élection de Nicolas Sarkozy, il avait résisté aux efforts entrepris par la chambre basse pour maintenir l’obligation de faire ratifier par référendum toute nouvelle adhésion à l’UE. Cette attention particulière à l’égard de la Turquie s’est aussi traduite, ces dernières années, par la venue régulière de missions sénatoriales dans ce pays et par la publication de plusieurs rapports évaluant l’aptitude de ce dernier à entrer dans l’UE.

La venue apaisante de Gérard Larcher est intervenue, par ailleurs, au moment où la Turquie sent sa candidature européenne menacée sur plusieurs fronts. À Chypre, tout d’abord, l’issue des négociations en cours est toujours incertaine, or l’Union Européenne a fixé à Ankara un ultimatum pour appliquer l’accord d’Union douanière à Nicosie, qui expire à la fin de l’année. En Allemagne et en Grèce, par ailleurs, des élections législatives se tiennent prochainement. Que se passera-t-il si Angela Merkel, notable adversaire de l’intégration européenne de la Turquie, sort renforcée de ce scrutin ? Qu’adviendra-t-il également si le PASOK l’emporte en Grèce au moment où son leader (qui avait pourtant été l’artisan il y a dix ans, du revirement grec qui avait vu Athènes décider soutenir la candidature turque) appelle à un durcissement des positions de son pays à l’égard de son voisin turc ? En France, enfin, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Pierre Lellouche, jadis chaud partisan de la candidature turque, a affirmé le 16 septembre 2009, devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, que la majorité des pays européens étaient, comme Paris, hostiles à l’entrée de la Turquie dans l’UE, même si la plupart d’entre eux n’osaient pas publiquement le faire savoir.

Dans un tel contexte, la tâche de Gérard Larcher pouvait paraître particulièrement délicate, mais n’était-elle pas en fait dans la nature même de la mission qui est dévolue au Sénat, une assemblée dont la raison d’être est à l’origine de tempérer les humeurs du moment et de nuancer les engagements trop entiers de la chambre basse et du gouvernement. Rompu à l’exercice, le président du Sénat, a donc excellé. Il a ainsi revendiqué son droit à « l’autonomie » en ce qui concerne la candidature turque, et affirmé son souhait de « continuer à accompagner le processus de négociations sur les chapitres qui sont ouverts et ceux qui doivent l’être. » Lors d’un entretien avec Mehmet Ali Şahin, notamment, Gérard Larcher a longuement expliqué sa position : « On peut être à la fois membre d’un parti au pouvoir et ne pas être d’accord avec le président de la République sur tous les sujets. Si certains chapitres aujourd’hui sont suspendus, la France n’en est pas la seule cause. Nous pouvons préparer ensemble l’avenir. Lorsqu’il fait beau, tout le monde se montre comme un ami mais c’est dans les moments tempétueux que l’on reconnaît ses vrais amis. Et vous pouvez compter le Sénat français parmi vos véritables amis ». Le président du Sénat a également rencontré le ministre des affaires étrangères, Ahmet Davutoğlu, et le premier ministre Recep Tayyip Erdoğan, avec lequel, il a même inauguré le nouveau palais des congrès d’Istanbul (photo).

La visite de Gérard Larcher aura d’autant plus contribué à rassurer les officiels turcs qu’elle s’est achevée au moment où le ministre-négociateur en chef avec l’UE, Egemen Bağış, recevait, à Paris, du secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Pierre Lellouche, l’assurance que la France n’avait pas l’intention, dans les prochaines semaines, de bloquer le processus d’adhésion de la Turquie, en proposant une solution alternative, de type « partenariat privilégié ». Eu égard au contexte particulièrement défavorable des dernières semaines dont nous avons précédemment fait état, cette hypothèse était en effet redoutée par un certain nombre d’observateurs.

Cette dernière nouvelle et l’attitude du président du Sénat ont ramené un peu de sérénité dans les relations franco-turques. Pour sa part, mon ami Mehmet, marchand de tapis au grand bazar, reste dubitatif, les multiples facettes de la position française, décidément bien difficile à cerner, lui rappellent les touristes français qu’il côtoie quotidiennement et qui sont réputés, dans les allées du Kapalı Çarşı, pour leur caractère indécis. « Entre vos ministres qui changent d’avis, votre président qui nous dit que nous ne sommes pas européens, votre président du Sénat qui nous tend la main, je crois entendre ces clients qui hésitent entre deux Yağcıbedir, font la moue devant mes superbes Yahyalı, et finissent par acheter un Kars ! » Pourtant, la presse turque et ses éditorialistes ont dans leur ensemble ont été très sensibles au point de vue différent qu’a fait entendre le président du Sénat et s’en sont largement réjouis, une manière de se convaincre qu’en Europe les avis sont multiples et que le temps travaille pour la candidature de la Turquie…
JM

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Sources

Source : OVIPOT, le 24.09.09

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