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L’Union Européenne en rupture avec l’Idée européenne

jeudi 11 janvier 2007, par Julien Bartoletti

Avec la perspective de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, nous étions arrivés à une période réellement charnière pour l’Idée européenne qui peut se définir comme l’élimination des motifs de conflit par le rapprochement des peuples. Ce rapprochement doit se faire pour certains par le domaine culturel, pour d’autres, les fonctionnalistes, il ne peut se faire que par le domaine économique et géopolitique. Cette dernière vision est à la marge de l’idée européenne de rapprochement des peuples. Le domaine économique et géopolitique rapproche bien moins les peuples qu’il ne connecte les Etats-nations et concentre les grands groupes industriels.

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Ainsi l’idée européenne est perçue de deux principales manières. Si pour quelques rares visionnaires ce concept est un objectif à atteindre car le bien commun européen passe par là, pour beaucoup d’autres, les fonctionnalistes en particulier, l’idée européenne se cantonne à quelques belles paroles pour les doux rêveurs ne servant au mieux qu’à vernir les institutions de l’Union Européenne.

Une approche « fonctionnaliste » de l’Idée européenne

Les fonctionnalistes estiment que c’est eux ou plutôt leur idéologie de « pragmatisme » économique qui fabrique l’Europe. Sur ce dernier point ils ont malheureusement en grande partie raison en ce qui concerne l’Union européenne. Les fonctionnalistes, largement majoritaires au sein des instances de l’UE, ont été éduqués dans un paradigme et une vision d’un monde bâti sur l’idée d’Etats-nations ne pouvant s’unir concrètement que sur la base d’intérêts économiques et géostratégiques mais certainement pas sur celle d’un enrichissement culturel commun. « L’Europe unie dans la diversité ? Pas de problème si ça peut vous faire plaisir. »

« La Turquie dans l’Europe ? Mais on ne m’avait pas dit que l’Europe avait vraiment vocation à être unie dans la diversité à moi. Ah non ! L’islam en Europe, vous imaginez ? ». Si la Turquie a déjà pu autant avancer dans les négociations avec l’UE ce n’est que pure aubaine géostratégique et socio-économique. Ces simples intérêts ont plus de valeur pour les Etats-nations que pour l’Europe. Bref, tout cela sent très fort la vieille Europe des Etats-nations guerriers qui dansent avec leurs partenaires technocrates de la nouvelle économie mondialisée. Le problème est qu’en rester à cette vision fonctionnaliste amène à se heurter à la véritable idée européenne dès lors que l’on a affaire à une culture perçue comme trop différente ou comme diraient certains politiques français « inabsorbable ». La perspective de l’adhésion turque a montré que ceux qui font l’UE acceptent le rapprochement économique et géopolitique mais redoutent le rapprochement culturel.

La question turque et les limites du « pragmatisme » technicien

En 2005, les négociations avec la Turquie ont été officiellement ouvertes. Une chance pour l’Europe de prouver qu’elle n’est pas ce club chrétien devenu vraiment ennuyeux. Mais c’est à partir de ce moment que les gens d’influence, les dirigeants de l’UE, les fonctionnalistes nous ont fait voir leur islamophobie au grand jour. Et là, nous avons eu droit aux arguments les plus drôles ou tristes selon les sensibilités.

Le plus entendu étant que la Turquie ne fait géographiquement pas partie du continent européen. Sur ce dernier argument on oublie bien vite que l’Europe n’a jamais eu de frontière naturelle dans sa partie orientale, en outre et toute proportion gardée dans la comparaison, personne ne peut nier que l’Alaska soit géographiquement moins intégrée aux Etats-Unis d’Amérique que la Turquie ne l’est à l’Europe. Ce n’est pas cela qui empêche l’Alaska d’être un état fédéré des USA. Non, vraiment l’argument anti-turc basé sur la géographie ne tient pas la route une seule seconde.

Par ailleurs, comme par hasard, les demandes de reconnaissance officielle du passé chrétien de l’Europe se sont faites entendre de plus en plus bruyamment à partir du moment où les discussions sur l’adhésion de la Turquie s’accéléraient. L’un des plus célèbres arguments censés appuyer ces demandes étant l’équation Europe=Chrétienté+Grèce antique. Cet argument se heurte à tout ce que l’Idée Europe est. Insister sur l’idée que l’Europe a des racines chrétiennes vaut d’affirmer que ces racines sont exclusivement chrétiennes, niant les richesses de diversité culturelle de l’histoire universelle qu’est celle de l’Europe.

- Nier la diversité culturelle de l’histoire européenne c’est vouloir transposer à l’Europe l’idée de nation dans sa plus moniste des visions c’est à dire celle d’un peuple aux coutumes et à la religion identique.

- Nier la diversité culturelle de l’histoire européenne c’est vouloir créer une forteresse Europe. Nier la diversité culturelle de ce passé européen c’est un prétexte pour légitimer sa peur de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, plus largement sa peur de l’Islam.

Quel avenir pour l’Europe si elle oublie son idée créatrice ? Une Europe islamophobe (car quel autre terme pour un club chrétien) est une Europe non guérie de ses démons, ces derniers étant l’obsession de trouver un ennemi, un « autre », un bouc émissaire afin de créer un ersatz d’unité. L’UE serait bien inspirée d’accroître ses relations avec le Conseil de l’Europe, institutions bien plus ouverte et beaucoup plus proche de l’idée européenne. Cette dernière avait comme essence la fin de l’exclusion, l’élimination des motifs de conflit par le rapprochement des peuples et voilà que des dirigeants de l’UE se sont évertués à trouver tous les prétextes possibles pour exclure et entrer dans un cercle antagoniste avec la Turquie plutôt que de continuer à avancer dans les réformes restantes. Le message adressé au monde musulman est on ne peut plus clair.

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