L’Europe et le dossier turc se sont immiscés brièvement hier à l’Assemblée nationale dans les débats sur le projet de loi de finances pour 2005. Les députés ont adopté l’article 43 du projet, relatif au « prélèvement opéré sur les recettes de l’Etat » pour financer le budget européen. Pour 2005, ce prélèvement s’élève à 16,57 milliards d’euros, dont 47 millions d’euros bénéficient à la Turquie au titre de pays « pré-adhérent ».
Les opposants à l’adhésion d’Ankara avaient annoncé qu’ils se feraient entendre à cette occasion. Mais, finalement, il n’en a rien été. Le groupe UDF a en effet retiré un amendement visant à supprimer la contribution française aux crédits de pré-adhésion. « Refuser les crédits aurait pu donner l’impression d’être un peu égoïste », justifie Anne-Marie Comparini. L’UDF a donc finalement voté l’article.
Les partisans de François Bayrou préféreraient obtenir un vote sur une résolution indiquant les « deux voies » possibles pour la Turquie, c’est-à-dire l’adhésion ou le partenariat. Leur texte demande que « lors du Conseil européen du 17 décembre 2004 la France exige que les négociations avec la Turquie préservent la possibilité de conclure un accord de partenariat privilégié avec elle au lieu de la seule adhésion à l’Union européenne ». Pour pouvoir présenter son texte, l’UDF veut profiter d’une « proposition de règlement » concernant l’aide à la communauté chypriote turque, présentée par la Commission européenne en juillet.
La commission des affaires étrangères doit rendre fin novembre un rapport sur la proposition centriste. Le président du groupe UDF, Hervé Morin, disposera ensuite de huit jours pour demander l’inscription du texte à l’ordre du jour. A l’UDF, on ne veut pas croire que l’UMP puisse s’opposer à cette initiative, tant sur la forme que sur le fond. « Bernard Accoyer, le président du groupe UMP, dit la même chose que nous ! », explique-t-on. Quoi qu’il en soit, rien n’assure cependant que le vote, s’il a lieu, intervienne avant le 17 décembre.
Hier, dans l’hémicycle presque vide, l’heure n’était donc pas à la polémique. Mais les partis peinaient à masquer leurs divisions. Le ministre délégué aux Affaires européennes, Claudie Haigneré, a rappelé que la qualité de « pré-adhérent » ne préjugeait de rien. « Le terme est inapproprié », a cependant fait remarquer le député UMP de la Drôme, Hervé Mariton. Face à l’augmentation du budget européen dans les années à venir, le président de la commission des affaires étrangères, Edouard Balladur, a plaidé pour « une longue pause dans l’élargissement ». Mais seul le « souverainiste » UMP Jacques Myard a voté contre l’article.
A gauche, le PS a voté pour l’article, le PCF contre. Le rapporteur spécial de la commission des finances, Jean-Louis Dumont (PS), s’est contenté de souligner que l’éventuelle adhésion de la Turquie représenterait des dépenses supplémentaires de plus de 20 milliards d’euros par an. Des dépenses qui « remettraient en cause », selon lui, les politiques communes de l’UE.