Fragilisée par l’effet combiné des perturbations survenues depuis un mois sur les places boursières du monde entier et l’ampleur maintenue de son déficit courant, la Turquie connaît des difficultés à retrouver un régime de référence stable en matière monétaire. La Banque Centrale turque est passée à l’action en début de semaine dernière, renouvelant des politiques qui ne manquent pas de rappeler les mesures prises à la veille de la crise majeure de 2001.
Mais le contexte est aujourd’hui différent.
Aucune réaction ne venant du gouvernement, la Banque Centrale de Turquie a décidé de faire face à la situation de son propre chef.
Dans la journée de lundi dernier, elle a annoncé la prise de trois mesures fortes en même temps :
le relèvement des taux d’intérêt sur les emprunts à un jour
la réduction de la pénurie du marché turc en dévises par des appels d’offre à l’achat de devises : 500 millions de dollars ont ainsi été mis en vente.
la décision de recourir à l’arme de la vente directe : le précédent appel d’offres ne suffisant toujours pas à faire baisser le dollar, la banque centrale a décidé d’intervenir par la vente directe de 500 millions de dollars supplémentaires.
Le dollar ainsi maintenu par une intervention directe et massive de la banque centrale turque a fini la journée à 1,6800 lires turques.
« Ne soyez pas surpris de nous voir mener des politiques encore plus actives », a déclaré le Président du directoire de la Banque Centrale de Turquie, M. Yilmaz.
Le banquier central turc n’a pas de responsabilité directe dans la fixation du cours du dollar mais comme son objectif de lutte contre l’inflation est étroitement lié au niveau de la devise américaine, qu’on le veuille ou non, le cours du dollar constitue un objectif de fait. La Banque Centrale vise à deux choses :
d’un côté, elle cherche à absorber le surplus de lires turques sur le marché
de l’autre, en vendant du dollar, elle tente de « stériliser » la monnaie turque.
Sous peu, il faut s’attendre à voir apparaître une sérieuse restriction des volumes en lires turques sur le marché et une remontée des taux d’intérêt. Ce qui devrait contraindre les acheteurs de lires turques à vendre leurs devises. Voilà, en somme, le plan de marche suivi par la Banque centrale turque.
Un plan similaire avait été suivi en novembre 2000 lors de la première des crises qui devait conduire au crash de février 2001 : à l’époque, les banques turques qui avaient pris des risques extrêmes en lires turques, avaient été fatalement touchées par la restriction de liquidités en monnaie turque pour entraîner une série de faillites retentissantes : aujourd’hui, le sytème banquaire turc est assaini et un tel risque n’est plus à l’ordre du jour.
La difficulté réside en ce que l’on semble parvenu aux limites d’un système de taux d’intérêt élévés et de cours bas : la politique monétaire suivie jusqu’ici a été mise à l’épreuve par les marchés et réduite en cendres. A partir de là, il appartient à la Turquie de reprendre une position stable et de muscler sa politique, tout en essayant de fixer un point de référence aux investisseurs.
Turquie Européenne à partir de Ismet Berkan, Radikal (27/06/2006)
Le comité de politique monétaire de la banque centrale turque se réunit dimanche. Prendra-t-il des mesures pour calmer les marchés ?
La banque centrale de Turquie a indiqué vendredi que son comité de politique monétaire tiendrait une nouvelle réunion de crise dimanche, pour discuter des mesures à prendre afin de calmer les turbulences qui agitent actuellement les marchés.
L’annonce de décisions est attendue pour dimanche, a-t-elle ajouté. Les marchés turcs sont sous pression depuis le mois de mai, en raison d’un accès de nervosité des investisseurs étrangers, dans un contexte de défiance vis-à-vis des marchés émergents, de frictions politiques et de chiffres de l’inflation plus élevés que prévu.
La livre turque, qui a reculé d’environ 23 pc depuis mai, s’échangeait à 1,72 livre pour 1 dollar vendredi, contre 1,69 livre jeudi, en dépit de l’intervention de la banque centrale, qui a vendu des billets verts pour stabiliser sa monnaie. Le taux de l’obligation turque de référence (échéance 9 avril 2008) a bondi vendredi à 21,03 pc contre 19,52 pc la veille, tandis que l’indice national de la Bourse d’Istanbul a encore perdu 3,2 pc vendredi.
Un peu d’inflation
Ces pertes surviennent au lendemain de l’annonce par le gouvernement turc, jeudi, de son intention d’annuler les taxes prélevées à la source pour les investisseurs étrangers non résidents et de réduire de 15% à 10% celles imposées aux Turcs, afin d’attirer des capitaux dans le pays. Le ministre de l’Economie Ali Babacan a affirmé jeudi que l’inflation allait probablement dépasser les 5% fixés comme objectif pour la fin de l’année, tout en soulignant que le gouvernement n’avait pas l’intention de réviser ses objectifs. « En raison de la volatilité des marchés mondiaux, il est possible que nous devions clôturer l’année avec un taux d’inflation éventuellement un peu plus élevé que notre objectif de fin d’année », avait déclaré M. Babacan lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre des Finances Kemal Unakitan.
Selon une étude publiée par la banque centrale début juin, le taux d’inflation devrait atteindre 8,8% à la fin de l’année. Le taux d’inflation sur douze mois a atteint 9,9% en mai, poussant la banque centrale, lors de sa première réunion extraordinaire le 8 juin, à relever son principal taux directeur de 13,25% à 15%. Le gouvernement a prévu dans le cadre d’un programme triennal soutenu par un prêt de 10 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI) de ramener l’inflation sous la barre des 5% en 2006, puis sous les 4% en 2007 et 2008. La Turquie avait fait reculer son taux d’inflation à 7,72% en 2005, sous l’objectif de 8% qu’elle s’était fixée. (AFP)
© La Libre Belgique 2006